31 janvier 2002 |
À déambuler devant les oeuvres photographiques de
Mélanie Cantin, dont une bonne partie la mettent en scène,
le visiteur peut légitimement se demander si ces portraits
noir et blanc intégrant le visage de l'artiste dans un
paysage, ou ces clichés présentant sa silhouette
sans cesse dérobée dénotent, chez la créatrice,
une tendance fortement narcissique. Interrogée à
ce sujet, la photographe nie absolument travailler au culte de
son image. "La plupart du temps, je me photographie car c'est
la façon la plus simple de travailler avec un personnage,
indique-t-elle. Lorsqu'une idée me prend brusquement chez
moi à 10 heures du soir, il faut que je la mette à
exécution immédiatement." Pour sa première
exposition en solo, Mélanie Cantin invite le public à
s'interroger sur la question de l'identité avec Corps
et là, une exposition présentée du 29
janvier au 15 février à la salle d'exposition du
pavillon Alphonse-Desjardins.
Armée d'un appareil photo posé en angle devant un
miroir, l'étudiante à la maîtrise en arts
visuels peaufine des autoportraits qui n'en sont pas véritablement,
puisque très souvent le public ne peut la reconnaître
sur ces clichés. Elle travaille aussi avec la photo numérique,
lorsqu'elle veut obtenir un cliché instantanément.
En fait, ses mises en scène de personnages tendent toutes
vers un but unique: aider la créatrice à résoudre
un questionnement sur l'identité qui lui trotte dans la
tête depuis plusieurs années. Cette interrogation
lui est venue en réfléchissant à la fabrication
des images publicitaires. "On ne s'intéresse pas aux
personnages qui vendent les produits, on ne sait pas qui ils sont,
précise-t-elle. Finalement, la photographie a un effet
inverse de ce qu'elle prétend être. Lorsqu'on se
voit en photo, on ne se reconnaît pas, on devient quelqu'un
d'autre."
Le choc de la pub
Ulcérée par les artifices et les images factices
utilisés par la publicité pour tromper les consommateurs,
particulièrement dans la vente des produits de beauté,
l'artiste réplique par ses propres créations. Ouvre-moi
met ainsi en lumière des images de morceaux de corps enfermés
dans des boîtes à pain, pour mieux dénoncer
l'exploitation du corps féminin dans notre société
de consommation. Mélanie Cantin aborde également
la perte d'identité à travers des oeuvres telles
que ces cinq panneaux sur lesquels des parties de son corps et
de son visage, photographiés dans des lieux différents,
se dérobent à la vue du public.
"En 1992, j'ai visité l'exposition de la photographe
Ève Cadieux et sa photographie en gros plan de l'immense
cicatrice m'a particulièrement frappée, explique
l'étudiante. Elle aborde en effet la séduction d'une
façon très particulière, en utilisant beaucoup
la mise en scène, l'installation." Mélanie
Cantin entend elle aussi poursuivre sa quête personnelle
autour de l'identité, en intégrant, peut-être,
de la vidéo ou des performances filmées à
son lieu de travail. Actuellement en fin de maîtrise, elle
s'interroge sur la suite de ses études. "La maîtrise
en multimédia m'intéresse, car j'aimerais en apprendre
davantage sur la vidéo, explique-t-elle. Je pourrais aussi
entreprendre un doctorat pour pouvoir enseigner." Une certitude
demeure cependant, au-delà des interrogations de l'étudiante,
elle a l'intention de continuer à produire des oeuvres
personnelles et à les exposer.
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