![]() |
17 janvier 2002 ![]() |
Les moeurs sexuelles des anguilles de Louis Bernatchez et le
matériau hyper-résistant à la chaleur de
Peter McBreen figurent au nombre des dix découvertes qui
ont marqué l'actualité scientifique au Québec
en 2001, selon Québec Science. Le magazine de vulgarisation
scientifique livre dans sa dernière édition le fruit
de son périlleux exercice annuel qui consiste à
dégager dix grandes découvertes du lot des travaux
réalisés par des chercheurs québécois
pendant l'année précédente.
Le tiers du numéro de février de Québec
Science est d'ailleurs consacré au survol de ce que
le rédacteur en chef du magazine, Raymond Lemieux, appelle
"les bons coups de la recherche". La direction du magazine
y voit une occasion de présenter les résultats de
travaux accomplis par des chercheurs de talent et, à travers
eux, de saluer toute la recherche scientifique québécoise,
trop souvent méconnue.
Anguille sous roche
Louis Bernatchez, professeur au Département de biologie
et membre du Groupe interuniversitaire de recherches océanographiques
du Québec, et son collègue Thierry Wirt ont publié,
dans l'édition du 22 février 2001 de Nature,
un article qui faisait tomber un mythe qui prévalait depuis
les années 1920 au sujet de la reproduction de l'anguille.
Les deux chercheurs ont démontré qu'au terme d'un
voyage de plusieurs milliers de kilomètres qui les conduit
de la rivière où elles vivent jusqu'à l'unique
lieu de reproduction connu de l'espèce - la mer des Sargasses
- les anguilles s'accouplent essentiellement avec des congénères
provenant de la même région géographique qu'elles!
La partouze internationale annoncée, qui devait servir
à un vigoureux brassage de gènes au sein de l'espèce,
en prenait alors pour son rhume.
Les analyses des deux chercheurs ont révélé
que les différences génétiques entre populations
augmentent même en fonction de la distance géographique
qui les sépare. Cette découverte promet de chambarder
les opérations d'ensemencement effectuées en Europe
qui, jusqu'à présent, se faisaient sans tenir compte
de la provenance géographique des anguilles. Incidemment,
l'année 2001 aura été faste pour Louis Bernatchez
puisqu'elle aura aussi été marquée par l'obtention
d'une Chaire de recherche du Canada en gestion et conservation
génétique des ressources dulcicoles et par le prix
Michel-Jurdant de l'Acfas.
Sujet chaud
Peter McBreen, du Département de chimie, et ses collègues
Hicham Oudghiri-Hassani et El Mamoune Zahidi annonçaient,
également dans le numéro du 22 février de
Nature, qu'ils étaient parvenus à produire
un matériau organique qui demeure étonnamment stable
jusqu'à des températures très élevées.
Les trois chercheurs du Centre de recherche sur les propriétés
des interfaces et la catalyse ont créé ce matériau
en déposant, sous vide, une couche de molécules
organiques formées de cétones cycliques sur un substrat
solide inorganique, le carbure de molybdène. La réaction
entre les deux composés produit, à la surface du
carbure, une couche de molécules organiques (alkyles insaturés).
Lorsqu'ils ont déterminé la résistance thermique
de ce matériau hybride organique-inorganique, les chercheurs
ont été stupéfaits: la couche organique demeurait
stable jusqu'à environ 900 degrés Kelvin (627 degrés
Celsius). En théorie, la structure du squelette de molécules
organiques, sur des surfaces de métaux de transition qui
sont de bons catalyseurs, ne résiste pas à des températures
au delà de 600 degrés Kelvin.
Le côté inattendu de cette découverte, qui
bouleverse les idées reçues en chimie des surfaces,
laisse entrevoir la mise au point d'une panoplie de matériaux,
dont on soupçonne à peine l'étendue. Il serait
ainsi possible de fabriquer des pièces de moteur qui résisteraient
mieux à l'usure ou d'autres carbures à valeur ajoutée,
qui combinent les propriétés spécifiques
d'une molécule organique à la dureté et à
la conductivité électrique des carbures.
Exercice périlleux
Québec Science a toujours reconnu la relative
subjectivité de la sélection de ses dix découvertes
de l'année. La liste des découvertes marquantes
est dressée par une équipe du magazine à
partir d'une consultation auprès des institutions d'enseignement
et de recherche et d'une recension de journaux, revues et magazines
spécialisés. Un comité de sélection
a la cruelle tache de dégager les dix plus importantes
découvertes parmi toutes celles qui ont été
répertoriées. Pour être retenues, les découvertes
doivent, entre autres, avoir des impacts importants, autant pour
l'ensemble de la connaissance que pour le bien-être de la
société. Cette année, le jury était
principalement formé de l'équipe de rédaction
de Québec Science et de journalistes scientifiques
de Radio-Canada, de La Presse et du Canal Z.
L'année dernière, les chercheurs de Laval avaient
récolté cinq des dix découvertes de Québec
Science. Cette année, sept établissements universitaires
se partagent les "Félix de la recherche". Avec
deux découvertes, l'Université Laval se classe ex
aqueo avec l'Université McGill et l'Université
de Montréal.
![]() |