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Le nouveau budget du ministre des Finances Paul Martin consacre
7,7 milliards de dollars sur cinq ans au renforcement des mesure
de sécurité au Canada. Ce choix politique se veut
une réponse aux attentats terroristes du 11 septembre aux
États-Unis et à l'adoption subséquente, par
la Chambre des communes à Ottawa, du projet de loi C-36
contre le terrorisme, sans oublier le projet de loi C-42 sur la
sécurité publique présentement à l'étude
au parlement fédéral. À lui seul, le Service
canadien du renseignement de sécurité (SCRS) verra
son budget passer de 197 à 532 millions. "Il est impossible
de garantir à 100 % que le Canada puisse être un
pays totalement sécuritaire, affirme pour sa part l'étudiant
en droit à l'Université Laval, Hugo Cossette. Pour
atteindre cet objectif, il faudrait être un État
totalitaire et mettre en oeuvre la Loi sur les mesures d'urgence.
Il n'y aurait alors plus aucune liberté, ni individuelle,
ni collective. Cela dit, même un régime totalitaire
ne pourrait se prémunir contre des attaques de commandos
suicides du type de ceux du conflit israélo-palestinien."
Hugo Cossette est l'auteur d'une analyse fouillée sur les
pouvoirs des services secrets canadiens, autrement dit du SCRS.
Ce service civil est autorisé à faire de l'écoute
électronique. Il a un rôle préventif et défensif
limité au territoire canadien qui consiste à détecter,
enquêter et faire rapport sur diverses menaces, dont le
terrorisme, l'espionnage et le sabotage. Le sommaire de la recherche
a paru dans l'édition 2001 de La Revue juridique des
étudiants et étudiantes de l'Université Laval.
On y apprend entre autres que des membres d'une cinquantaine de
groupes terroristes internationaux, notamment du Djihad islamique
égyptien, des Tigres tamouls et des groupes extrémistes
irlandais, résident et sont actifs au Canada. Qu'il suffise
de mentionner le nom de l'Algérien Ahmed Ressam qui, après
avoir habité à Montréal, a été
arrêté en décembre 1999 à la frontière
canado-américaine en possession d'explosifs en vue de perpétrer
un attentat à l'aéroport international de Los Angeles.
Une loi radicale et controversée
Le projet de loi C-36 permet notamment d'effectuer l'arrestation
préventive de personnes soupçonnées d'activités
terroristes, de les interroger sans procès tout en leur
retirant leur droit au silence et de les placer sur écoute
électronique. Ce virage législatif majeur soulève
bien des craintes chez les défenseurs des libertés
civiles. "Nous vivons dans un système démocratique
où l'on valorise les libertés individuelles et collectives,
explique Hugo Cossette. Mais les événements du 11
septembre ont créé un dilemme qui remet ces principes
en question. Ce dilemme consiste à faire le partage entre
le niveau de sécurité que l'on exige du gouvernement
et les droits et libertés que l'on est prêts à
sacrifier. La population est peut-être prête maintenant
à cela pour recevoir davantage de protection en retour."
Le problème se complique du fait que le terroriste moderne
a comme particularité de se fondre dans le paysage du pays
d'accueil sous l'apparence d'un citoyen irréprochable.
"Le terroriste d'antan était peu scolarisé
et facile à manipuler, précise l'étudiant.
Aujourd'hui, il est instruit et même spécialisé.
Sommes-nous prêts, alors, à soupçonner toute
personne d'origine étrangère ayant ce profil?"
Poussant plus loin son raisonnement, il demande ce qui choquerait
davantage la population: qu'une personne innocente ait fait l'objet
d'une écoute électronique, ou qu'une personne qui
a des affiliations extrémistes quelconques n'ait pas fait
l'objet d'une telle écoute alors que le SCRS avait des
motifs raisonnables de la soupçonner?
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