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L'Université Laval et le Syndicat des professeurs et
professeures de l'Université (SPUL) viennent de conclure
une négociation longue et, par moment, difficile. L'Université
et le Syndicat ont signé une convention collective qui
a reçu l'assentiment de 86 % des professeurs et qui donne
à l'Université les moyens de poursuivre son développement
dans le respect de ses ressources financières. À
ce moment charnière de la vie de notre établissement,
je crois opportun et utile de faire le point sur le passé
récent et de jeter un regard sur l'avenir.
L'Université Laval, comme toutes les universités
québécoises, a vécu une période difficile
depuis 1995. Sous l'effet combiné d'une baisse marquée
de sa population étudiante et de réductions de la
subvention gouvernementale qui ont atteint 64 M $, soit plus de
25 % de notre subvention de fonctionnement, nous avons dû
réduire tous nos postes de dépense : équipe
de direction, directions de service, administrateurs, professeurs,
personnel professionnel, personnel de soutien. Nous avons cependant
voulu protéger une capacité de développement,
d'une part en maintenant un certain renouvellement du corps professoral,
d'autre part en maintenant intacts le Fonds de soutien au doctorat
et le budget de développement de la recherche. Cette capacité
de développement a été maintenue au prix
d'un déficit cumulé de l'ordre de 100 M $, mais
elle nous a permis de hausser et ensuite de maintenir la population
étudiante à 35 500 étudiants, tandis que
les subventions et contrats de recherche ont augmenté de
près de 50 % pour atteindre aujourd'hui plus de 160 M $.
La stratégie adoptée a donc eu les effets positifs
escomptés pour l'Université Laval, et on peut considérer
le déficit cumulé comme un investissement rentable
pour l'avenir de notre établissement.
Quand on examine ce qui s'est passé durant cette période,
on réalise que les tâches professionnelles de tous
les membres de la communauté universitaire se sont accrues
de façon considérable. C'est vrai pour le personnel
administratif et de soutien pour qui les nombreux départs
en retraite et les restructurations administratives se sont traduits
en réorganisation du travail et en tâches nouvelles.
C'est vrai pour tous les gestionnaires qui ont dû gérer
la décroissance en même temps que des exigences nouvelles
de reddition de comptes se présentaient. C'est tout particulièrement
vrai pour les professeurs dont la charge d'enseignement s'est
accrue, malgré les opérations de rationalisation
des programmes et des cours et malgré l'apport important
des chargés de cours et qui ont dû faire face à
l'apparition d'une série de nouveaux programmes de financement
de la recherche et à une compétition accrue pour
l'obtention de subventions. Ils ont aussi collaboré de
façon active et constructive à des initiatives institutionnelles
telles que la mise en place des profils internationaux, la création
de nouveaux baccalauréats intégrés, la création
de DEC + BAC en collaboration avec les cégeps, l'intégration
des technologies de l'information dans l'enseignement ou encore
la mise sur pied de nouveaux instituts à vocation multidisciplinaire.
Si toutes ces initiatives au plan pédagogique placent aujourd'hui
l'Université Laval dans une position de pointe dans les
réseaux universitaires québécois, canadiens
et internationaux, le mérite en revient sans aucun doute
à tous les professeurs qui ont su déployer créativité
et énergie, avec l'appui des autres membres de la communauté
universitaire, pour permettre à notre établissement
de maintenir la qualité de ses programmes et de poursuivre
le développement de la recherche malgré le contexte
de ressources globalement décroissantes. Peu de personnes
dans notre société ont connu au cours des dernières
années un accroissement de travail aussi lourd que celui
des professeurs d'université. Ceci doit être dit
et reconnu par nous et, surtout, autour de nous.
Dans la négociation qui vient de se terminer, le très
fort degré de mobilisation du corps professoral trouve
probablement sa source en bonne partie dans cet accroissement
généralisé des tâches professorales.
La volonté fermement exprimée par les professeurs
de conserver un rôle central dans les orientations stratégiques
au niveau des facultés et départements et dans l'affectation
des tâches professorales est aussi liée à
cette situation. Les associations étudiantes ont joué
un rôle constructif dans cette période difficile;
leurs prises de position équilibrées et fermes ont
sans aucun doute contribué à la résolution
rapide du conflit. L'accord qui est intervenu entre l'Université
et le SPUL nous a permis de sauvegarder la session en cours et
de trouver les bons équilibres pour assurer la qualité
de la formation et de la recherche et, plus globalement, l'avenir
de l'Université Laval. Je vois, dans le très large
appui que cet accord a reçu des professeurs, la promesse
que leur contribution remarquable au développement de l'Université
Laval se poursuivra au cours des prochaines années.
Il me semble important de souligner que les clauses relatives
au plancher d'emploi nous permettent d'envisager l'avenir avec
confiance. D'une part, nous avons pu utiliser notre bonne performance
financière de l'an dernier pour ramener la réduction
prévue des postes de 90 à 30 sur les trois prochaines
années. D'autre part, la formule d'évolution du
plancher d'emploi en fonction de la population étudiante,
alliée au nouveau mécanisme d'allocation budgétaire
aux facultés, garantit que tout développement, entre
autres au niveau du recrutement de deuxième et de troisième
cycle, se traduise par l'augmentation du nombre de professeurs
dans les unités concernées. Enfin, les programmes
de chaires de recherche du Canada, de chaires industrielles et
de professeurs chercheurs FCAR, de même que l'annonce de
la contribution du gouvernement du Canada aux frais indirects
de recherche, nous donneront des marges de manoeuvre additionnelles.
Par ailleurs, les améliorations apportées au fonds
de soutien aux activités académiques fourniront
des moyens accrus aux professeurs dans l'accomplissement de leurs
fonctions d'enseignement et de recherche. Une rémunération
globale concurrentielle avec celle des autres universités
québécoises, répartie conformément
aux attentes de la très vaste majorité des professeurs
- préservation des surplus actuariels du régime
de retraite accompagnée d'augmentation des échelles
salariales en stricte conformité avec les augmentations
du secteur public -, et un mécanisme de prime de recrutement/rétention
amélioré devraient nous permettre d'attirer et de
retenir les professeurs dont nous avons besoin.
Enfin, la convention collective prévoit des mécanismes
nouveaux de collaboration, entre le SPUL et la direction de l'Université,
sur des sujets complexes tels que la propriété intellectuelle,
l'attribution des primes salariales ou les restructurations d'unités.
De fait, j'espère que la mise en oeuvre de cette nouvelle
convention collective nous permettra de faire évoluer l'ensemble
de nos relations vers une approche de collaboration hautement
souhaitable, si nous voulons faire face au contexte évolutif
dans lequel l'Université Laval, comme toutes les universités
du monde, doit s'insérer.
Si la convention collective qui vient d'être signée
nous fournit un cadre d'évolution positif compte tenu des
ressources, il nous faut en même temps réaliser que
ces ressources ne sont pas toujours suffisantes pour permettre
à l'Université Laval, comme à toutes les
universités québécoises, d'occuper la place
qui lui revient sur la scène canadienne. Le gouvernement
du Québec se doit de poursuivre l'effort amorcé
lors du Sommet du Québec et de la jeunesse en 2000. La
société québécoise a besoin, pour
assurer son développement culturel, économique et
social, d'universités mieux financées et plus en
mesure d'offrir des formations modernes et de qualité à
un nombre croissant de diplômés, plus en mesure aussi
de contribuer par leurs recherches au développement de
notre capacité collective d'innovation et de création
de richesse. À titre de représentant de la CREPUQ
au Sommet du Québec et de la jeunesse, j'avais insisté
pour que soit incluse, dans les engagements collectifs du Sommet,
la mise en place d'un mécanisme de suivi des ressources
dont disposent les universités québécoises
par rapport aux autres universités canadiennes. Il importe
que ce mécanisme soit instauré dans les meilleurs
délais et, surtout, que les conséquences en soient
tirées en matière de financement. Les comparaisons
que nous pouvons faire entre universités semblables au
Canada laissent croire en effet à une position défavorable
des universités québécoises.
Dans le cadre du refinancement des universités, j'ai poursuivi
mes démarches auprès des autorités gouvernementales,
à titre de recteur de l'Université Laval et de président
de la CREPUQ, au cours des deux dernières années.
Si nous avons pu obtenir la reconnaissance des missions particulières
de l'Université Laval et leur financement, il reste à
faire des progrès sur le front des ressources globales
consacrées aux universités. On l'a vu au printemps
dernier, la question du financement gouvernemental de l'enseignement
supérieur n'est jamais complètement acquise; encore
aujourd'hui, certaines déclarations gouvernementales jettent
un doute quant au respect des engagements sur le réinvestissement
en enseignement supérieur. Or l'avenir de la société
québécoise passe par une poursuite de l'effort de
réinvestissement pour redonner à nos universités
la capacité d'être pleinement concurrentielles sur
les scènes canadienne et mondiale. Dans le contexte du
Sommet du Québec et de la jeunesse, les efforts concertés
des associations étudiantes, des syndicats et associations
de personnel et des directions universitaires avaient permis d'obtenir
un premier engagement. Je suis convaincu que c'est par une action
concertée renouvelée que nous pourrons protéger
aujourd'hui les acquis du Sommet et continuer à réaliser
les progrès nécessaires sur la voie du refinancement
de l'enseignement supérieur. Avec le haut niveau de mobilisation
des associations étudiantes et les relations constructives
que nous entretenons avec elles, la conclusion heureuse des négociations
avec le SPUL ouvre la voie à une telle action concertée
avec les professeurs.
Au lendemain d'une négociation qui a connu des moments
ardus, l'Université Laval est bien placée pour relever
les défis qui se présentent à elle et, avec
la mobilisation de tous les membres de la communauté universitaire,
je suis confiant que nous relèverons ces défis avec
succès dans les prochaines années.
Le 11 décembre 2001
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