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Il n'y a pas que les résidants du sud du Québec
qui ont subi les affres de la tempête de verglas de janvier
1998. En effet, certaines espèces d'oiseaux en ont pris
plein le bec à la suite des cinq jours de pluie verglaçante
ininterrompue qu'avait alors essuyés le Québec méridional.
C'est ce que démontrent l'étudiant-chercheur Jonatan
Blais, du Département de biologie, et deux chercheurs du
Service canadien de la faune, Jean-Pierre Savard et Jean Gauthier,
dans le dernier numéro de la revue The Forestry Chronicle.
Les trois chercheurs ont comparé les populations d'oiseaux
qui prévalaient quelques jours avant le début du
verglas à celles observées un an plus tard, dans
16 localités situées dans l'oeil de la tempête
(Sud du Québec, Est de l'Ontario et Nord de l'État
de New York). Pour réaliser cette étude, ils ont
tiré profit d'une activité traditionnelle du monde
de l'ornithologie, le dénombrement des oiseaux de Noël.
Depuis plus de 100 ans, au Canada et aux États-Unis, des
ornithologues amateurs effectuent, dans les deux semaines qui
précèdent ou qui suivent Noël, l'inventaire
des oiseaux de leur région. Connue sous le nom anglais
de Christmas Bird Count, cette activité est effectuée
par des milliers de bénévoles qui parcourent des
secteurs 12 km de rayon. Les participants, supervisés par
des ornithologues chevronnés, notent le nombre d'oiseaux
de chaque espèce qu'ils observent pendant une journée
entière.
Grâce à ces inventaires, Jonatan Blais et ses collègues
ont pu mesurer l'impact de la tempête de verglas sur l'abondance
de 11 espèces d'oiseaux. Ils ont ainsi observé une
diminution significative chez six d'entre elles: le geai bleu
(-43 %), le grimpereau brun (-37 %), le pic chevelu (-35 %), le
pic mineur (-19 %), la mésange à tête noire
(-18 %), et même le moineau domestique (-14 %). Seul l'opportuniste
étourneau sansonnet a tiré profit de la situation
pour accroître ses effectifs de 33 %. Les chercheurs ont
répété le même exercice comparatif
pour 15 sites épargnés par la tempête et ils
n'ont détecté aucun changement dans l'abondance
de ces mêmes espèces.
Aliments surgelés
Les tempêtes de verglas sont très éprouvantes
pour les oiseaux, signale Jonatan Blais. En plus de mouiller leur
plumage, le rendant ainsi moins efficace pour la thermorégulation,
le verglas recouvre une bonne partie de leurs sources de nourriture.
Dans de bonnes conditions, les espèces étudiées
peuvent jeûner entre 1 jour (grimpereau brun) et 8 jours
(pigeon). À des températures avoisinant 0 degré
Celsius, les plus endurants meurent en moins de quatre jours.
"La pluie verglaçante est tombée presque continuellement
entre le 5 et le 10 janvier et la glace a persisté pendant
près de deux semaines, ajoute l'étudiant-chercheur.
Même les mangeoires en étaient couvertes. Les conditions
climatiques réunies pendant et après la tempête
pouvaient donc occasionner beaucoup de mortalité aux populations
d'oiseaux."
Entre la tempête de janvier et l'inventaire suivant, il
y a eu une saison de reproduction, note Jonatan Blais. "On
peut supposer que, immédiatement après la tempête,
les baisses d'effectifs devaient être encore plus importantes
que celles que nous avons mesurées un an plus tard",
analyse-t-il. La répétition de telles tempêtes,
prévue advenant un réchauffement climatique, pourrait
donc avoir des répercussions marquantes sur les populations
d'oiseaux. "Si les tempêtes de verglas surviennent
trop fréquemment, on pourrait même assister à
la disparition de certaines espèces d'oiseaux dans plusieurs
régions du Québec", prédit-il.
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