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La norme internationale ISO 9 000 est un ensemble de règles
qui visent à stabiliser le système de production
de masse d'une entreprise, de façon à assurer une
qualité égale aux produits. Selon Yves Goudreault,
auteur d'une thèse de doctorat en relations industrielles
déposée récemment à l'Université
Laval et intitulée La norme d'assurance qualité
ISO 9 000, l'autonomie des travailleurs et le taylorisme,
cette norme serait une forme de "taylorisme atténué".
"Il apparaît que la norme s'inspire des principes du
taylorisme, tout en permettant une atténuation de certains
d'entre eux (ex.: le contrôle de l'exécution de chaque
activité de transformation par des règles formelles)
et l'abandon de certains autres (ex.: ne confier les activités
de gestion qu'aux cadres)", écrit cet ingénieur
en génie mécanique, ex-professeur à l'École
de technologie supérieure et aujourd'hui directeur des
études au Cégep de Rivière-du-Loup.
La thèse a porté sur l'impact social de la norme
ISO 9 000. Parce que cette norme se caractérise par une
certaine rationalisation du travail, l'auteur a voulu vérifier
si elle présente une continuité avec le taylorisme,
ce mode d'organisation du travail industriel créé
au début du 20e siècle et représenté
par la chaîne de montage. Par voie de conséquence,
il a également voulu savoir si la norme peut affecter l'autonomie
des travailleurs d'aujourd'hui sur le plancher de production,
soit en limitant leur capacité à faire des choix
dans l'exécution d'une activité de transformation.
Des règles, oui, mais pas trop
Pendant cinq mois, Yves Goudreault a étudié
quelque 450 personnes à l'emploi d'une entreprise du secteur
de l'électronique fabriquant des circuits imprimés
sur commande. "Les gens que j'ai interviewés étaient
contents d'avoir des règles parce que cela leur sert d'aide-mémoire,
cela les oriente, souligne-t-il. L'idée est d'en mettre
trop qui ne sont pas légitimes, qui sont mal faites, qui
sont inutiles."
Dans cette entreprise certifiée ISO 9 000, Yves Goudreault
a constaté une rupture d'avec deux principes clés
du taylorisme: les travailleurs ne sont pas isolés les
uns des autres et la division du travail est peu poussée.
On y favorise les échanges formels et informels entre travailleurs.
On y trouve même des groupes semi-autonomes dans un des
secteurs de production. "Cet aspect est très intéressant,
écrit-il. Il indique que l'entreprise valorise l'autonomie
des travailleurs. Si l'application de la norme avait eu tendance
à restreindre l'autonomie, cela aurait risqué de
créer une forte tension psychologique."
Yves Goudreault met en garde contre la tentation de pousser trop
loin l'étendue et le niveau de détail des règles.
"Il faut être capable de résister à ce
débordement qui conduirait vers un renforcement des pratiques
tayloriennes, dit-il. Mais bien des entreprises peuvent avoir
de la difficulté à le faire, surtout si les ingénieurs
sont en force."
Diverses formes d'autonomie des travailleurs ont été
expérimentées depuis les années 1970 dans
le but de corriger les effets pervers du taylorisme. La rotation,
l'enrichissement des tâches et les cercles de qualité
en sont des exemples. Quant à la norme ISO 9 000, elle
est apparue dans les années 1990 dans un contexte industriel
caractérisé par l'introduction de nouvelles technologies
et de nouvelles pratiques de gestion des opérations, tel
le "juste-à-temps". Ses créateurs se sont
inspirés de normes d'assurance qualité existantes,
surtout militaires. À la fin de 1998, la norme ISO 9 000
était implantée dans 143 pays, 272 000 entreprises
ayant obtenu leur certification en la matière.
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