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Si vous investissez dans le marché boursier canadien,
vous avez tout intérêt à vous tenir loin des
actions émises pour la première fois par de petites
sociétés de secteurs à risque comme le pétrole,
le gaz, les mines, la technologie et l'immobilier, et ce d'autant
plus si l'émission est de petite taille et que celle-ci
a lieu durant une période de forte activité du secteur
en question. Pourquoi? Parce que les actions présentant
ces caractéristiques performent à court terme, mais
contre-performent inévitablement à moyen et long
terme.
Ce phénomène énigmatique, bien connu des
chercheurs, est au coeur de la thèse de doctorat en sciences
de l'administration présentée par Maher Kooli, chercheur
postdoctoral au Centre interuniversitaire de recherche en analyse
des organisations. Intitulée Les émissions initiales
d'actions au Canada: sous-évaluation et performance à
long terme, cette thèse avait, comme échantillon
d'étude, près de 1 000 émissions initiales
d'actions, effectuées entre 1991 et 1998 aux Bourses de
Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver.
"Ce qu'on observe, indique Maher Kooli, est que les émissions
initiales sont, en moyenne, introduites sur le marché à
un prix sensiblement inférieur à celui qu'établira
le marché secondaire peu après l'émission.
Cette sous-évaluation initiale est un coût indirect
pour l'entreprise émettrice puisqu'elle représente
un transfert de richesse des actionnaires existants en faveur
des nouveaux investisseurs. Elle est également, en moyenne,
énorme durant la première semaine. Elle est de l'ordre
de près de 33 % pour les émissions dont la valeur
varie entre un et cinq millions de dollars. Par la suite, la performance
à moyen et long terme est automatiquement décevante.
Après trois ans, l'action de ces émissions offre
un rendement annuel négatif de - 15 %. Après cinq
ans, c'est - 39 %."
Un facteur important: la psychologie de l'investisseur
Ceux et celles qui se tournent vers les émissions initiales
d'actions savent qu'ils essuieront des pertes à moyen et
long terme. Pourquoi, alors, achètent-ils? Maher Kooli
explique ce comportement apparemment irrationnel en grande partie
par l'engouement. "L'investisseur achète un titre
en pensant qu'il s'agit du prochain Microsoft, dit-il. Mais au
fur et à mesure que l'information va arriver sur le marché,
il va découvrir qu'il s'est trompé. Il va finir
par vendre, ce qui fera baisser le prix de l'action."
Maher Kooli a également constaté que la participation
aux émissions initiales d'actions canadiennes, de petite
taille, n'attire pas les courtiers prestigieux, soucieux de préserver
l'image de marque de leur firme de courtage. Quant aux secteurs
autres que ceux mentionnés, ils performent à long
terme. C'est notamment le cas des services financiers, un secteur
caractérisé par une sous-évaluation initiale
très faible. Au Canada, les émissions initiales
d'actions ont lieu aux alentours des sommets boursiers atteints
par le secteur concerné et ce, afin de maximiser le produit
de l'émission.
S'inscrire pour une première fois en Bourse procure maints
avantages. Mais c'est une opération coûteuse pour
une petite entreprise. Le chercheur post-doctoral suggère
plutôt aux petits entrepreneurs le programme Junior Capital
Pool de la Bourse de l'Ouest qui permet à une petite entreprise
d'entrer sur le marché boursier, mais avec une émission
transitoire. Il y a aussi les prises de contrôle inversées
portant sur des sociétés déjà inscrites
en Bourse, mais en faillite. Cependant, comme le souligne Maher
Kooli, les "coquilles vides" de ce genre sont rares.
Quant à l'investisseur, il lui recommande la plus grande
prudence avec les émissions initiales d'actions.
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