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Plus de 1 milliard de dollars. Voilà ce que les Américains
paient annuellement pour s'endormir: 400 millions pour des médicaments
prescrits, 90 millions pour des médicaments en vente libre
et 600 millions pour de l'alcool consommé dans le but d'induire
le sommeil. À cette somme s'ajoutent les frais de consultation
de divers spécialistes: près de 500 millions du
côté des médecins, 70 millions pour des psychologues,
40 millions pour des travailleurs sociaux et 10 millions pour
des spécialistes du sommeil. "Le non-traitement de
l'insomnie coûte probablement tout autant, en raison notamment
de l'absentéisme et de la perte de productivité
qui en résultent", estime Charles Morin, professeur
à l'École de psychologie et spécialiste du
traitement de l'insomnie.
Ces chiffres décrivent bien l'ampleur du problème
et l'urgence de trouver des solutions pour que l'Amérique
recouvre le sommeil du juste. Les National Institutes of Health
des États-Unis viennent de poser un geste en ce sens en
accordant une subvention de 1,8 million de dollars (1,1 million
US) à un groupe de chercheurs de l'Université, dirigé
par Charles Morin. Le Canada, lui aussi frappé par ce mal
moderne, accorde 433 000 $ à la même équipe,
par le biais des Instituts de recherche en santé du Canada.
Ces sommes serviront à financer un programme d'études
de cinq ans portant sur les causes de l'insomnie ainsi que sur
les traitements pharmacologique et comportemental des troubles
du sommeil.
Pour mener à bien ce programme, Charles Morin s'est associé
à des spécialistes de trois disciplines: Josée
Savard et Célyne Bastien (Psychologie), Chantal Mérette
et Lucie Baillargeon (Médecine) et Jean-Pierre Grégoire
(Pharmacie). Un chercheur de l'Université de Glasgow, Colin
Espie, collaborera également aux travaux.
Broyer du noir
L'insomnie est un problème de santé sous-traité,
constate Charles Morin, même si elle a des répercussions
importantes sur la santé physique et mentale ainsi que
sur les rapports sociaux des individus qui en souffrent. L'insomnie
chronique frappe entre 9 % et 15 % de la population alors que
15 % à 20 % des gens éprouvent à l'occasion
des difficultés à trouver le sommeil. Pourtant,
moins de 15 % des insomniaques chroniques ont déjà
été traités et à peine 5 % des personnes
souffrant de problèmes de sommeil ont déjà
consulté un médecin spécifiquement à
ce sujet. "La majorité des insomniaques préfèrent
se soigner eux-mêmes alors qu'il serait important qu'ils
aillent rapidement chercher de l'aide, soutient le chercheur.
Nous voulons déterminer les raisons qui font que la majorité
des insomniaques ne consultent pas et aussi cerner les facteurs
qui poussent éventuellement certains d'entre eux à
voir un spécialiste."
Les études réalisées jusqu'à présent
par le groupe de Charles Morin montrent que les somnifères
ont leur place dans le traitement à court terme de l'insomnie,
mais que leurs effets bénéfiques s'estompent avec
le temps, en raison des problèmes de tolérance et
de dépendance qu'ils créent. "À plus
long terme, l'approche comportementale semble plus efficace pour
modifier de façon durable les habitudes de sommeil, souligne
le chercheur. Nous voulons cependant vérifier comment les
deux approches peuvent être combinées afin d'établir
la meilleure stratégie de traitement à long terme."
Le traitement comportemental consiste à corriger certaines
croyances qui contribuent à amplifier les problèmes
d'insomnie (par exemple, qu'il faut dormir huit heures chaque
nuit). Il vise aussi à corriger certaines habitudes qui
dressent le couvert aux nuits blanches, notamment se mettre au
lit uniquement lorsqu'on se sent fatigué, utiliser le lit
seulement pour dormir (à proscrire lecture, télé,
bouffe, réflexion sur fond de plafond; seule exception
autorisée: faire l'amour!), quitter la chambre si le sommeil
ne vient pas après 15 à 20 minutes, et se lever
à la même heure chaque matin peu importe le nombre
d'heures dormies la nuit précédente.
Ces recherches nécessiteront la participation de plusieurs
centaines d'insomniaques et même de bons dormeurs! Les personnes
intéressées à prendre part à ces études
peuvent communiquer avec le Centre d'études des troubles
du sommeil au 656-2131, poste 6978.
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