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Des chercheurs de la Faculté de médecine viennent
de réécrire une page de la biologie cellulaire en
faisant tomber un dogme de la croissance cellulaire. Dans l'édition
de novembre de la revue scientifique américaine Molecular
Cell, parue hier, Victor Stefanovsky, Guillaume Pelletier,
Thérèse Gagnon-Kugler et Tom Moss, du Centre de
recherche de l'Hôtel-Dieu de Québec, en collaboration
avec leurs collègues Ross Hannan (Australie) et Lawrence
Rothblum (États-Unis), révèlent que la cascade
de réactions qui conduit à la fabrication de ribosomes
est l'un des premiers événements qui survient dans
la cellule lorsque celle-ci entre en phase de croissance et de
multiplication.
Les ribosomes - des microstructures présentes dans toutes
les cellules - font office d'usines d'assemblage de protéines.
Ils reçoivent leurs ordres de l'ADN du noyau qui, en fonction
des besoins immédiats de la cellule, commande la synthèse
de différentes protéines. Lorsque la cellule se
prépare à se multiplier, elle doit d'abord accroître
sa taille, ce qui suppose une synthèse protéique
intense, et conséquemment une transcription accrue des
gènes qui codent pour l'ARN ribosomique. Cette molécule
constitue une composante importante des ribosomes puisqu'elle
lui sert à la fois de charpente et de catalyseur. Les chercheurs
savent depuis un bon moment qu'en période de croissance,
les ribosomes augmentent leur production et que, pour ce faire,
la transcription de l'ARN ribosomique est accrue. Ils ignorent
cependant par quels mécanismes la cellule accélère
ou ralentit la chaîne de production. Ou plutôt, ils
l'ignoraient.
Dans la dernière édition de Molecular Cell,
l'équipe de Tom Moss explique comment fonctionne le commutateur
de la transcription ribosomique. "Considérant ce qu'on
savait, il était logique de penser que les facteurs de
croissance (des produits qui stimulent la croissance cellulaire)
auraient une incidence directe sur la transcription des gènes
qui codent pour l'ARN des ribosomes", explique le professeur
Moss. Les chercheurs ont donc ajouté un facteur de croissance
à une culture de cellules et ils ont ainsi découvert
que la transcription des gènes ribosomiques augmente après
dix minutes à peine. La cascade de réactions complexes
qui survient pendant ces dix courtes minutes est décrite
en détail dans la publication des chercheurs.
Résultat inattendu
"La vitesse de réponse très rapide de la
transcription de l'ARN ribosomique à la suite de l'addition
du facteur de croissance était tout à fait inattendue,
souligne Tom Moss. Les scientifiques croyaient que la première
réaction de la cellule était de produire plus de
protéines et non de produire plus de ribosomes. On pensait
que la réponse ribosomique survenait beaucoup plus tard,
mais elle est aussi rapide que les premières réactions
observées dans le noyau. C'est pourquoi nous pensons que
les gènes ribosomiques doivent être reclassés
parmi les gènes de réponse immédiate de la
cellule."
Presque 75 % de la transcription de gènes observée
dans la cellule est liée aux ribosomes. C'est dire l'importance
de ce mécanisme qui intervient dans les phénomènes
de croissance et de vieillissement, ainsi que dans la prolifération
des cellules cancéreuses. "La cascade de réactions
que nous avons mise en lumière laisse entrevoir de nouvelles
possibilités pour le contrôle de la croissance des
tumeurs, avance Tom Moss. En la bloquant, on pourrait stopper
ou ralentir la croissance cellulaire. Je ne sais pas s'il sera
un jour possible d'y arriver, mais jusqu'à présent,
ce mécanisme a été négligé
dans la recherche en cancérologie."
Selon le directeur du Centre de recherche de l'Hôtel-Dieu
de Québec, Luc Bélanger, l'article publié
par le groupe de Tom Moss constitue une étape marquante
pour la biologie cellulaire. "Cette publication pourrait
devenir un classique qui sera repris dans les livres de référence
à venir, prédit-il. C'est sûrement l'une des
contributions les plus importantes jamais publiées par
des chercheurs de l'Université en biologie cellulaire."
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