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Des chercheurs de la Faculté de médecine publient
aujourd'hui, dans l'édition de novembre de la revue scientifique
Human Molecular Genetics, une étude qui lève
le voile sur les mécanismes moléculaires impliqués
dans le retard mental héréditaire, plus spécifiquement
dans le syndrome du X fragile. Cette maladie constitue la deuxième
cause de retard mental après la trisomie 21 et elle se
manifeste, chez l'enfant, par un retard d'apprentissage du langage
et par des comportements hyperactifs ou autistiques. Elle frappe
davantage les garçons (1 sur 4 000) que les filles (1 sur
6 000).
Les chercheurs Marc-Étienne Huot, Rachid Mazroui, Pierre
Leclerc et Édouard Khandjian, du Centre de recherche de
l'hôpital Saint-François d'Assise, ont découvert
que des protéines (FXRP) appartenant à la même
famille que celle qui est responsable de la maladie (FMRP) servent
de transporteurs à l'information génétique
(ARN messagers) et sont étroitement associées aux
microtubules dans la cellule. Curieusement, cette équipe
a d'abord découvert l'association entre les protéines
FXRP et les microtubules dans les testicules! "Depuis deux
ans, les testicules se sont révélés une mine
extraordinaire de recherche sur des gènes qu'on croyait
spécifiques au cerveau", signale au passage Édouard
Khandjian.
Les tests menés sur différents tissus du corps ont
révélé une très forte concentration
de FXRP dans les testicules, explique le professeur Khandjian.
"En poussant les analyses, nous avons trouvé qu'elles
se trouvaient dans les flagelles des spermatozoïdes, une
structure composée essentiellement de microtubules. Ceci
nous a donné l'idée de vérifier dans les
neurones. Les cellules nerveuses ont une partie centrale très
allongée (axone) où les microtubules sont abondants.
C'est ainsi que nous avons trouvé que la FMRP et les FXRP
sont toutes présentes sur les microtubules des neurones."
Les chercheurs croient que ces protéines font partie d'un
complexe qui conduit les ARN messagers du noyau de la cellule
vers les sites de synthèse des protéines. Les ARN
messagers se lieraient à ces protéines qui les déplacent
le long des microtubules comme des wagons qui transportent leur
précieuse marchandise sur des rails. "Dans les cellules
nerveuses, les microtubules transportent l'information génétique
vers les usines distantes, spécialisées dans la
synthèse de protéines impliquées dans la
plasticité des neurones", précise Édouard
Khandjian.
Nouvelle piste de traitement
Le syndrome du X fragile est caractérisé par
une mutation qui inhibe le gène codant pour une protéine
appelée FMRP (Fragile X Mental Retardation Protein), de
sorte que les sujets atteints ne possèdent pas cette protéine.
En conditions normales, la FMRP est présente dans tous
les tissus du corps, mais sa concentration est 100 fois plus élevée
dans les cellules nerveuses. Son absence se fait donc surtout
sentir là où elle est normalement abondante, ce
qui expliquerait le problème de développement des
fonctions cognitives chez les individus atteints du syndrome du
X fragile.
"Je crois que notre découverte peut avoir des impacts
dans le traitement du retard mental héréditaire,
avance Édouard Khandjian. Considérant ce que l'on
sait maintenant, il faut trouver des molécules chimiques
capables d'accélérer le transfert des ARN messagers
vers les sites de synthèse des protéines. Je sais
que des laboratoires américains explorent déjà
cette avenue. J'ai moi-même deux ou trois idées en
tête que j'aimerais mettre à l'essai."
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