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Puissance hégémonique planétaire, plus grande puissance de l'Histoire, puissance impériale occupante, les États-Unis d'Amérique, notamment par leur poids économique et leur action militaire, suscitent inévitablement des réactions négatives à travers le monde. En marge des attentats terroristes du 11 septembre sur New York et Washington, certains ont qualifié les États-Unis de "sanctuaire de la barbarie, de l'infidélité et de la maltraitance". D'autres croient que l'actuelle croisade antiterroriste du président Bush a pour objectif lointain d'établir une hégémonie encore plus grande sur le monde.
Un phénomène diversifié
Le vendredi 9 novembre, Louis Balthazar, professeur retraité
du Département de science politique, participait, au pavillon
Charles-de Koninck, à une table ronde sur l'impact de l'antiaméricanisme
dans le monde avant et après les récents attentats.
La rencontre était organisée par l'Institut québécois
des hautes études internationales de l'Université
Laval. Selon Louis Balthazar, l'antiaméricanisme peut prendre
plusieurs formes. La plus simple est celle véhiculée
par les islamistes radicaux qui détestent les Américains
pour ce qu'ils font et ce qu'ils sont. Une forme plus complexe
est celle de la gauche anticapitaliste qui trouve des perversions
dans tout ce que fait le champion du capitalisme mondial. "En
Europe, explique le politilogue, on a souvent tendance à
projeter sur les États-Unis une conception traditionnelle
de l'hégémonie dans laquelle les Américains
font des plans élaborés et sophistiqués pour
dominer le monde. Or, rien n'est plus éloigné de
la réalité."
Selon Louis Balthazar, on peut reprocher aux Américains
d'avoir eu peu recours à la diplomatie durant leur histoire.
"On a souvent dit que la politique étrangère
américaine consiste à éteindre des feux,
souligne-t-il. On voit ces jours-ci à quel point cette
politique est incohérente. Surtout, elle coordonne très
mal les moyens en fonction des faits." Autre reproche: les
Américains sont demeurés psychologiquement isolationnistes,
en dépit de leurs responsabilités internationales.
Sur le plan culturel, cela les amène à voir la diversité
culturelle mondiale avec des yeux de myope et à se percevoir
comme un phare. Quant à leurs discours si beaux sur la
démocratie, la liberté et les droits de la personne,
ils les trahissent souvent, notamment avec le recours à
des alliés antidémocratiques.
Une rhétorique uniforme et tortueuse
"Ni talibans, ni bombardements", "L'incident
de New York" et "Cette guerre n'est pas la nôtre"
constituent quelques-uns des exemples de formules antiaméricanistes
relevées dans la presse québécoise et étrangère,
depuis le 11 septembre, par Annette Paquot, directrice du Département
de langues, linguistique et traduction. Selon elle, le discours
antiaméricaniste étudié présente une
uniformité de contenu et d'expression. "Ce discours,
dit-elle, recourt à l'implicite et au présupposé,
ce qui le rend beaucoup plus difficile à réfuter.
De plus, il utilise une argumentation tortueuse et alambiquée
qui témoigne d'un refus de dire clairement les choses."
Comme solutions à l'antiaméricanisme, Louis Balthazar
avance la nécessité pour les États-Unis de
réorienter leur politique étrangère, de montrer
plus de sensibilité aux problèmes du développement,
d'encourager leurs alliés à plus de démocratie,
enfin d'accepter de n'être qu'un acteur dans le système
international. "Les Américains n'ont jamais été
membres d'une alliance qu'ils ne dominaient pas, ajoute-t-il.
Il est difficile de demander à une superpuissance de jouer
le jeu de l'ordre mondial plutôt que d'agir en fonction
de ses propres intérêts hégémoniques."
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