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Les attentats terroristes survenus aux États-Unis, le
11 septembre, ont largement laissé s'étaler devant
les décombres encore fumants du drame américain,
et dans la devanture du petit écran, un genre journalistique
qui répond de plus en plus fréquemment aux appétits
irrépressibles d'une population qui veut tout savoir tout
de suite: le reportage en direct.
Qu'il s'agisse de l'accident d'autobus des Éboulements,
le 13 octobre 1997, de la crise du verglas, en janvier 1998, ou
des attaques perpétrées il y a près de deux
mois sur le territoire de l'oncle Sam, les propagateurs de cette
forme d'information en continu, qui attisent "inmanquablement"
à la fois les reproches de ses détracteurs et les
justifications de ses défenseurs, semblent souffrir des
mêmes travers de part et d'autre de notre frontière.
C'est ce qu'a pu constater Gérard Leclerc, chargé
de cours au Département d'information et de communication,
dont le mémoire de maîtrise, déposé
en avril dernier, porte sur "Les répercussions de
l'information en direct à la télévision sur
les normes journalistiques". "Les problèmes que
j'avais notés à l'époque, à l'occasion
de la tragédie des Éboulements et de la tempête
de verglas, sont encore présents aujourd'hui, explique
-t-il. Même les journalistes que j'avais interrogés
sur le sujet en arrivaient à ce jugement: le direct est
un genre incomplet en soi. Si l'on accepte que celui-ci laisse
place à l'approximation, à des informations qui
sont moins vérifiées ou moins "travaillées"
que dans un reportage en différé, il faut être
juste envers les téléspectateurs et faire un suivi
dans des reportages subséquents pour pallier ces faiblesses."
Approximation et émotion
Les entrevues que Gérard Leclerc a menées auprès
de journalistes québécois, qui pratiquent cet art
de l'information dans l'instantanéité, ont pointé
du doigt une difficulté majeure inhérente au cycle
des nouvelles de plus en plus court des chaînes d'information
continue: l'image prime et certains journalistes dépriment
parce qu'étant devenus des communicateurs, ils n'effectuent
plus le travail pour lequel on les rémunère. Des
communicateurs, mais plus encore: des transmetteurs d'émotion,
un ingrédient non négligeable du reportage-spectacle
en direct, lequel braque simultanément ses feux révélateurs
sur la nouvelle du coup d'oeil immédiat et sur ces vedettes
montantes ou établies du monde de l'information télévisuelle
qui bousculent allègrement, parfois, les normes de la tradition
journalistique.
"Pour faire un travail acceptable, les journalistes, pressés
par le temps, sont certes obligés de jouer sur l'approximation,
mais également sur les émotions. On ne peut pas
vraiment leur reprocher de devenir partie prenante à l'événement
. Si nous étions à leur place, nous ne pourrions
sans doute pas faire autrement qu'adopter une attitude semblable
à la leur, il nous serait difficile d'effectuer un travail
carrément objectif, distant de l'événement",
croit le chargé de cours.
À choisir entre le différé et le direct,
lui a-t-on demandé, lequel représenterait le meilleur
compromis? "Je ne crois pas que l'un soit meilleur que l'autre,
répond Gérard Leclerc. Les deux se complètent
et il faut les utiliser pour ce qu'ils sont."
GABRIEL CÔTÉ
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