1 novembre 2001 |
Les attaques terroristes sur New York et Washington, le 11
septembre dernier, annoncent des jours plutôt sombres pour
la communauté internationale, affirme le professeur Albert
Legault, directeur du forum Sécurité et défense
à l'Institut québécois des hautes études
internationales de l'Université Laval. "La première
réaction a été de renforcer les lois antiterroristes
à travers le monde, dit-il. Cela aura sûrement des
effets négatifs sur la société civile. Ma
conclusion est très simple et très sombre: la démocratie
policière est née à New York le 11 septembre."
Pour son collègue Louis O'Neill, professeur émérite
à la Faculté de théologie, l'avenir de l'humanité
sera effectivement sombre, voire catastrophique, si rien n'est
fait pour trouver des solutions à la mondialisation "à
deux étages", aux inégalités croissantes
et au "développement du sous-développement".
"Il n'y aura pas d'avenir enviable si nous persistons dans
l'idéologie de la culture d'armement", ajoute-t-il.
Albert Legault et Louis O'Neill participaient, le mercredi 17
octobre, au pavillon La Laurentienne, à une table ronde
réunissant six conférenciers sur le thème
"Quel avenir pour le monde après le 11 septembre?".
La rencontre était organisée conjointement par la
Faculté de philosophie, la librairie Zone et les Presses
universitaires de France.
Mythes versus valeurs
Yves Charles Zarka, directeur de recherche au CNRS, en France,
demande si nous ne sommes pas désormais entrés dans
le monde de la haine, de l'inimitié, du conflit. Il dit
espérer que le 11 septembre ait fait sortir l'Occident
de son sommeil virtuel dans lequel il a oublié à
quel point la volonté et la mythologie mènent le
monde. "Ce sont des mythes, soutient-il, qui font que des
hommes sont capables de croire que donner la mort à autrui,
ou se la donner à soi-même, conduit au paradis, à
la félicité." Selon lui, rien ne nous garantit
que la démocratie moderne se maintiendra dans l'avenir.
Quant au professeur de philosophie à l'Université
de Nice, Jean-François Mattéi, il s'interroge sur
ce que l'Occident peut encore apporter à l'humanité
après avoir donné au monde des valeurs telles que
la rationalité, l'état de droit, la démocratie
et la pédagogie. "Si ces valeurs devaient s'effondrer
comme les deux tours jumelles, poursuit-il, il sera dangereux
pour le monde entier de continuer à évoluer. Dans
ce cas, nous n'aurons plus aucun avenir." Il ajoute que,
en l'absence d'une société universelle, il y aura
toujours des tensions qui conduiront à stigmatiser les
autres, à en faire les boucs émissaires de tout
conflit.
Dans le collimateur des kamikazes
La tolérance, l'ouverture, la démocratie, les
droits de la personne, la liberté, la richesse, l'émancipation
de la femme, bien des valeurs se sont retrouvées dans le
collimateur des kamikazes le 11 septembre. Jean-François
Mattéi souligne que ces tragiques événements,
expression d'un paroxysme de la violence masculine, surviennent
à un moment particulier de l'histoire humaine. Selon lui,
nous assistons à la disparition graduelle de deux valeurs
qui ont fait la grandeur de la pensée occidentale au cours
des siècles: la spiritualité et l'humanisme. "Je
ne vois pas comment on pourrait mesurer un horizon sans la dimension
de la hauteur, de l'exigence éthique, dit-il. En outre,
nous avons des rapports procéduriers, pragmatiques entre
nous et avec les autres peuples, et la dimension strictement humaine,
au niveau de la dignité des autres hommes, a tendance à
s'occulter."
Selon Jean-François Mattéi, il faut regarder du
côté du développement d'une forme de culture
capable de s'universaliser à l'ensemble des peuples de
la Terre. Jean-Charles Zarka propose à l'ONU d'inclure
dans ses programmes d'aide un programme universel de formation
à la liberté et à la connaissance de l'histoire.
Pour sa part, Louis O'Neill plaide pour l'implantation d'un système
économique mondial capable de satisfaire les besoins fondamentaux
de tous et de toutes.
|