1 novembre 2001 |
Au Québec, les auteurs de romans populaires qui écrivent
dans un style réaliste ont tendance à faire naître
et évoluer la relation amoureuse de leurs personnages principaux
à l'intérieur d'une structure commune aux règles
bien définies. C'est la conclusion à laquelle est
arrivée Marie-Josée Blais dans sa thèse de
doctorat en littérature québécoise, thèse
qu'elle a déposée il y a quelques mois sous le titre:
Les voies de l'amour dans les best-sellers québécois
contemporains. Proposition méthodologique d'un modèle
du fonctionnement du code amoureux.
Marie-Josée Blais a étudié un corpus de six
oeuvres publiées entre 1984 et 1995. Il s'agit, dans l'ordre
chronologique de parution, d'Au nom du Père et du Fils,
de Francine Ouellette, des tomes un et deux des Filles de Caleb,
d'Arlette Cousture, soit Le Chant du coq et Le
Cri de l'oie blanche, de Juliette Pomerleau, d'Yves
Beauchemin, de Quelques adieux, de Marie Laberge et, enfin,
d'Aurélien, Clara, mademoiselle et le lieutenant anglais,
d'Anne Hébert. À l'exception de Juliette Pomerleau
et de Quelques adieux, les oeuvres ont un fort contenu
historique, l'action se déroulant à l'intérieur
de la période comprise entre les années 1884 et
1946.
Une parenté avec les romans "à l'eau
de rose"
Les analyses narratives et sémantiques de Marie-Josée
Blais révèlent que le traitement de l'amour, dans
les best-sellers québécois, suit de près
la structure des romans sériels de type Harlequin. "Cependant,
explique-t-elle, la confrontation polémique est moins violente,
plus doucereuse. La différence concerne la fin des romans
qui n'est pas toujours heureuse. Seules deux des oeuvres étudiées
se terminent par un mariage."
Les personnages analysés par Marie-Josée Blais ont
tous une fonction complémentaire. Dans Au nom du Père
et du Fils, le docteur Lafrenière vit une relation
passionnelle avec Biche pensive, la fille de son patient amérindien.
Dans Quelques adieux, François, un professeur d'université
marié, s'éprend d'Anne, une de ses étudiantes.
À l'exception du roman d'Anne Hébert, où
la protagoniste féminine met en marche le processus amoureux,
c'est le protagoniste masculin qui chaque fois démarre
ledit processus et qui persiste dans cette voie. Attentionné,
courtois, il recherche les occasions qui le mettront en présence
de celle qu'il convoite. Il a recours à des signes involontaires
(regards, sourires, etc.), puis à des signes concrets prémédités
(baisers, caresses, etc.). La femme, elle, observe et reste passive.
Mais avec le temps, et à cause des sentiments qu'elle éprouve,
elle finit par capituler.
Autonomes, puis dépendantes
Les héroïnes étudiées sont des femmes
déterminées. Émilie, dans le premier tome
des Filles de Caleb, est institutrice de campagne et sa
fille Blanche, dans le second tome, à défaut d'être
médecin, sera infirmière en pays de colonisation.
Cela dit, ces protagonistes ont tendance à perdre leur
autonomie à partir du moment où elles basculent
dans la sphère amoureuse, puisqu'elles deviennent très
dépendantes. "Une espèce de servitude amoureuse
s'installe, souligne Marie-Josée Blais. Blanche est le
cas le plus patent. Jamais elle n'aurait troqué sa tranquillité,
la douceur et la compréhension de son mari, ses dimanches,
pour retourner exercer sa profession en Abitibi. On assiste donc
à la victoire des valeurs traditionnelles sur le désir
professionnel de l'héroïne." Selon Marie-Josée
Blais, l'idée que l'on puisse tout sacrifier au mariage
est encore perçue, dans les textes de fiction réaliste,
comme un gage de bonheur éternel.
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