![]() |
18 octobre 2001 ![]() |
Selon le président et éditeur du quotidien Le
Soleil, Alain Dubuc, les universités québécoises
pourront aller plus loin dans le changement si elles réussissent
à expliquer leurs fonctions, à les faire comprendre
à la société qui les entoure, donc à
les faire accepter. Dans son esprit, il ne fait pas de doute que
l'université est devenue "l'un des facteurs essentiels
à la transformation de nos économies et de nos sociétés,
l'un des outils les plus puissants pour assurer son adaptation".
Mais il n'est pas dit, rappelle-t-il, que ces transformations
- pour palpables qu'elles soient - trouvent leur reflet
dans les débats publics, voire dans les perceptions dont
la collectivité revêt l'université et, par
voie de conséquence, dans les choix de société
qui peuvent l'affecter.
"Ce qui me frappe, c'est que ce gouffre qui sépare
la réalité de l'université du discours sur
l'université ne se retrouve pas seulement dans les réactions
d'une opinion publique qui peut toujours plaider l'ignorance,
mais aussi dans les débats que le monde universitaire entretient
sur lui-même", a constaté Alain Dubuc, alors
qu'il prenait la parole à l'Université Laval, le
vendredi 5 octobre, à l'occasion des Rencontres Champlain-Montaigne.
L'exemple de Laval
L'institution universitaire, qui continue sur sa lancée
mutagène après avoir traversé successivement
des phases étiquetées "tour d'ivoire",
"réactive" et "interactive " commence aujourd'hui,
selon lui, à être "proactive" et déploie
directement des stratégies de développement, qui
en font un "véritable acteur économique et
social, un levier économique essentiel, un partenaire incontournable".
"L'Université Laval propose un exemple éloquent
de cette mutation, avec certaines de ses initiatives qui avaient
manifestement pour but de contribuer au développement de
la région qu'elle dessert, par exemple, en optique/photonique,
de souligner Alain Dubuc. Assez pour que la transformation de
la structure économique de la région métropolitaine
de Québec dont nous sommes les témoins réjouis
soit en bonne partie attribuable à l'Université
Laval: pas attribuable à sa simple présence, mais
attribuable à ses stratégies et à ses choix."
"En porte-à-faux"
Aux yeux d'Alain Dubuc, les débats sur l'université
sont en retard d'une génération sur le réel,
un phénomène en porte-à-faux - pour reprendre
son expression - qui constitue un frein au développement
harmonieux du réseau universitaire du Québec et
comporte des coûts importants. À preuve: la politique
du gel des frais de scolarité de l'État québécois
(à un niveau inférieur à ce que l'on retrouve
en Amérique du Nord), qui prive les universités
de cette forme de financement, et la crise budgétaire gouvernementale,
au milieu des années 1990, qui a vu le réseau universitaire
être "saigné à blanc, assez pour compromettra
sa mission", le font s'interroger sur les raisons qui ont
pu pousser l'État à sacrifier ainsi, au mépris
de toute logique, un atout stratégique.
"L'explication tient largement aux perceptions de l'opinion
publique, qui guident trop souvent l'État dans ses actions,
où l'université a cessé d'être perçue
comme un secteur du domaine social sans pour autant réussir
à s'imposer comme un élément du domaine économique,
où les interventions publiques sont encore inspirées
par la culture du béton, a fait remarquer le président
et éditeur du Soleil. Et c'est ainsi qu'au Québec,
les cris d'alarme sur les effets du désinvestissement dans
l'enseignement supérieur et dans ses activités de
recherche sont paradoxalement venus du monde des affaires."
Le choc aurait sans doute été moins violent et les
compressions assurément moins dévastatrices si le
monde politique avait développé une vision de l'université
qui correspondait davantage à ses nouveaux rôles,
a affirmé Alain Dubuc.
![]() |