11 octobre 2001 |
Les universités produiront à l'avenir du savoir
dans un contexte beaucoup plus axé sur les applications
que sur la spécialisation de l'individu. Cela se fera dans
une logique de transdisciplinarité et non plus de monodisciplinarité,
en tenant compte beaucoup plus de l'environnement social.
Ces observations ont été faites le vendredi 5 octobre
par le directeur du Bureau international de l'Université
Laval, Gilles Breton. Celui-ci coanimait un atelier synthèse
avec le président du Pôle universitaire de Bordeaux,
en France, Régis Ritz, dans le cadre de la première
édition des Rencontres Champlain-Montaigne. Durant l'événement,
les participants québécois et français avaient
échangé sur les formations universitaires à
l'intérieur du thème "Villes, régions
et universités: les acteurs et leurs pratiques".
Selon Gilles Breton, deux idées-forces semblent avoir traversé
l'ensemble des discussions: la redéfinition de l'institution
universitaire, due à l'accès massif aux études
supérieures depuis une quarantaine d'années, et
le phénomène de la mondialisation, qui est devenu
la nouvelle échelle spatiale à partir de laquelle
s'organisent de plus en plus les dimensions locale, régionale
et nationale.
"Il sort entre 3 500 et 4 000 Ph.D. chaque année au
Canada, explique-t-il, et les trois quarts se trouvent du travail
en dehors de l'institution universitaire. Or, cette expertise
nous interroge. Elle nous dit: Quel type de travail pouvons-nous
faire ensemble? Quant à la mondialisation, elle nous oblige
à redéfinir notre action d'universitaires. Nous
réalisons que 90 % du savoir utilisé l'est dans
un lieu autre que celui où il a été produit."
Gilles Breton ajoute que la mondialisation interpelle les universités
de manière radicale afin que celles-ci déplacent
leur stratégie d'internationalisation de la formation,
de la marge vers le centre de leur mandat. Et il souligne par
ailleurs toute la pertinence de l'approche comparée qui
fut de mise durant la Rencontre. "Le regard de l'autre sur
notre travail est important, dit-il, de même que son expertise
pour pouvoir redéfinir nos stratégies." Selon
lui, la Rencontre a permis de dégager un consensus fort
que l'on peut résumer par les mots convergence, cohésion
et cohérence.
Une université aux multiples visages
Dans les discussions, l'institution universitaire a notamment
été qualifiée d'agora, de phare, de moteur,
de bougie d'allumage, de lieu de créativité et même
de vecteur de requalification urbaine. On a aussi fait un abondant
usage du préfixe "inter", comme en font foi
des vocables tels interaction, interrégional, interface,
interdépendance et interinstitutionnel.
Régis Ritz estime que les tiraillements, la dynamique et
les tensions, qui traversent l'université d'aujourd'hui
et qui amènent de nouvelles règles du jeu, de nouveaux
acteurs et un changement d'échelle et ce, dans un monde
en mouvance permanente fait de contradictions, d'interrogations
et de paradoxes, sont un signe de bonne santé. "Le
collègue qui est fatigué des réformes, dit-il,
est fatigué de l'université."
Selon lui, la réalité actuelle, en Aquitaine comme
au Québec, en dépit d'une volonté de travailler
ensemble, en est davantage une de chapelles parfois très
fermées. En face de l'université comme lieu de création,
indique-t-il, il y a l'inertie, soit la tradition "qui est
toujours ancrée et qui colle à nos chaussures".
Régis Ritz soutient que les différents niveaux d'intervention,
qui vont du local à l'international, représentent
autant de cercles concentriques qui donnent le vertige. "On
demande au recteur d'université d'avoir la tête dans
les étoiles, lance-t-il, alors qu'il a "le nez dans
les guidons"."
Un projet-pilote original
Gilles Breton voit les Rencontres Champlain-Montaigne comme
un projet-pilote original qui permet aux acteurs régionaux
d'aller loin dans la redéfinition de leurs relations mutuelles.
Elles permettent également à un acteur comme l'université
de redéfinir sa place dans le milieu. En ce sens, les exposés
du doyen Claude Dubé, de la Faculté d'aménagement,
d'architecture et des arts visuels, et du professeur Yvon Gasse,
du Centre d'entrepreneuriat et de PME, ont montré comment
la formation pouvait s'articuler concrètement aux besoins
de la société.
En septembre 2002, Bordeaux accueillera la deuxième édition
des Rencontres Champlain-Montaigne. Les échanges porteront
cette fois sur la dimension recherche, entre autres sur son financement,
les alliances permettant d'acquérir des équipements
communs, les enseignants-chercheurs et les étudiants-chercheurs,
et l'international qui constitue le principal critère d'évaluation
de la recherche.
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