11 octobre 2001 |
En 1998, lorsque le professeur Louis Painchaud a pris en charge l'édition de la Bibliothèque copte de Nag Hammadi à la Faculté de théologie et de sciences religieuses, il était minuit moins une. Les sources de subventions traditionnelles, le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH) et le Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche (FCAR) du Québec, venaient de retirer leur appui au projet pour des raisons administratives. L'Université Laval vivait au même moment une période de restrictions budgétaires majeures et se voyait dans l'obligation de supprimer le poste de chercheur visiteur qu'elle accordait depuis de nombreuses années à cette équipe de recherche. Les lendemains s'annonçaient bien sombres pour cette entreprise scientifique d'envergure. Pourtant, l'aventure était belle et prometteuse: l'édition critique, en français, de textes constituant l'une des découvertes archéologiques majeures du XXe siècle.
Un projet d'envergure
Découverts en 1945 près de la ville de Nag Hammadi,
en Égypte, les treize codices de papyrus s'avèrent
en effet d'un intérêt inestimable, tant pour l'histoire
du livre relié, dont ils sont parmi les plus anciens spécimens,
que pour l'histoire de la langue et de la paléographie
coptes, ou celle de la philosophie et des commencements du christianisme.
Lancée en 1974 à l'Université Laval, l'édition
de la bibliothèque copte de Nag Hammadi est une entreprise
québécoise qui jouit d'une grande notoriété
internationale. Elle la seule initiative francophone d'envergure
consacrée à ces manuscrits. À ce jour, la
collection comprend 27 volumes parus dans la série "Textes",
six dans la série "Concordances" et cinq dans
la série "Études". Dix-sept autres volumes
sont en préparation.
Comme bien des chercheurs, Louis Painchaud ne connaissait que le réseau de financement des organismes publics. Mais lorsque ceux-ci ne répondent plus, vers qui se tourner ? "Je savais qu'il existait des grandes fondations privées qui s'intéressaient à la recherche et à l'éducation, mais c'est tout, explique le responsable du projet Nag Hammadi. Je ne savais pas par où commencer, ni vers qui me tourner." Un appel logé à la Fondation J.-Armand Bombardier allait enclencher un processus à la conclusion remarquable. "J'ai exposé brièvement notre entreprise d'édition, raconte Louis Painchaud. On m'a répondu que nos travaux ne semblaient pas s'inscrire dans les préoccupations de la Fondation." Le chercheur allait mettre cette option de côté mais des événements suivirent leur cours, à son propre insu: la revue de vulgarisation scientifique Les dossiers d'archéologie publiait, ce même automne 1998, un numéro traitant des manuscrits de Nag Hammadi.
L'importance de la diffusion
"Je comprends désormais pleinement l'importance
de la diffusion des travaux scientifiques et de leur vulgarisation
pour un public plus large que les spécialistes !",
lance Louis Painchaud. À la Fondation J.-A. Bombardier,
la directrice générale de l'époque, passionnée
de ces sujets et qui avait lu la revue en question, prend contact
avec Louis Painchaud. Avec les conseils et le soutien de la Fondation
de l'Université Laval, le chercheur monte un dossier et
présente son projet. Tout se déroule rapidement
et le conseil d'administration de la Fondation J.-Armand Bombardier
accorde un généreux don de 450 000 $ à l'édition
de la Bibliothèque copte de Nag Hammadi. Le projet est
sauvé et, par la suite, le CRSH et le Fonds FCAR en redeviennent
partenaires.
"J'ai beaucoup appris de cette aventure, poursuit Louis Painchaud.
On a souvent tendance à croire que les personnes qui sont
à la tête de grandes entreprises n'ont aucun intérêt
pour la recherche en dehors de leur propre sphère d'activité.
C'est tout à fait faux. Et on pourrait multiplier les exemples.
En accordant son soutien à l'édition des textes
de Nag Hammadi, la Fondation J.-A. Bombardier s'inscrit dans un
courant de grand mécénat culturel et scientifique
qui amène, par exemple, des sociétés comme
EDF ou Elf-Aquitaine à financer des fouilles archéologiques
dans le port d'Alexandrie ou sur des sites monastiques du désert
égyptien. Tout chercheur a avantage à expliquer
son projet et à sortir du réseau traditionnel."
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