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11 octobre 2001 ![]() |
Rossana Jorquera et Robert Tanguay, de la Faculté de
médecine, viennent de faire avancer d'un autre pas la recherche
sur la tyrosinémie héréditaire. Dans un récent
numéro de la revue scientifique Human Molecular Genetics,
les deux chercheurs démontrent que la substance toxique
qui s'accumule dans le foie des personnes atteintes, le (FAA),
a des répercussions, même à faibles doses,
sur des étapes cruciales de la division cellulaire. À
long terme, ces perturbations pourraient entraîner des cancers
du foie, avancent-ils.
Déjà, en décembre 1999, les deux chercheurs
avaient démontré que des doses élevées
de FAA causaient la mort des cellules du foie. Leur récente
découverte vient donc resserrer donc l'étau autour
du FAA et du rôle clé qu'il joue dans les principales
manifestations de la maladie. Près de 40 % des enfants
atteints de tyrosinémie auront un cancer du foie avant
l'âge adulte.
L'accumulation de FAA est causée par le mauvais fonctionnement
d'une enzyme, la fumarylacétoacétate hydrolase (FAH),
qui devrait normalement dégrader cette substance en composés
inoffensifs. Cette enzyme est impliquée dans le sentier
métabolique de la tyrosine, un acide aminé présent
dans notre alimentation. Jusqu'à présent, les seules
solutions qui s'offraient aux enfants malades étaient la
transplantation du foie ou, depuis le début des années
1990, la prise d'un médicament, le NTBC, utilisé
à l'origine comme herbicide. "Ce produit n'est pas
efficace à 100 % contre la maladie. De plus, comme nous
ignorons ses effets secondaires à moyen et à long
terme, il faut chercher des alternatives", explique Rossana
Jorquera.
La fréquence de cette maladie est particulièrement élevée dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean: 1 cas sur 1 850 naissances
Bloquer le sentier
"Les résultats présentés dans notre
dernier article font progresser les connaissances en recherche
fondamentale sur cette maladie, mais ils pourraient également
contribuer à la mise au point de traitements pharmacologiques
qui amélioreraient ou remplaceraient éventuellement
le NTBC", poursuit la chercheure. L'une des avenues considérées
est l'utilisation d'inhibiteurs du sentier métabolique
dans lequel intervient l'enzyme FAH afin de prévenir la
synthèse du FAA. "Les produits de dégradation
en amont du FAA dans le sentier métabolique sont moins
toxiques que ce dernier et ils ne causent pas de cancer",
explique-t-elle. L'autre avenue envisagée consiste à
lier le FAA au glutathion, un composé naturel retrouvé,
entre autres, en faibles doses dans les légumes de la famille
du brocoli. "Presque tous les effets toxiques du FAA disparaissent
lorsqu'il se lie au glutathion à l'intérieur des
cellules. Il faudrait donc administrer ce produit sous une forme
facilement assimilable par l'organisme pour compléter ou
remplacer le traitement au NTBC."
La tyrosinémie héréditaire frappe 1 enfant
sur 16 000 au Québec et 1 sur 100 000 à travers
le monde. Sa fréquence est particulièrement élevée
dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean - 1 cas sur 1
850 naissances - en raison du relatif isolement qui a prévalu
lors de la colonisation de cette région. En 1994, l'équipe
de Robert Tanguay, en collaboration avec des chercheurs américains,
a mis au point le premier test génétique permettant
d'identifier les individus porteurs du gène causant la
tyrosinémie héréditaire. Depuis, de plus
en plus de gens qui ont eu des cas de tyrosinémie dans
leur famille consultent avant d'avoir des enfants, de sorte que
le nombre de cas a tendance à diminuer, signale le chercheur.
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