4 octobre 2001 |
D'ici 2003, l'Union européenne disposera d'une force
d'intervention de 60 000 hommes, capable de se déployer
sur le territoire européen en moins de 60 jours et fonctionnelle
jusqu'à un an sur le théâtre d'opérations.
Cette force militaire ne fera pas la guerre, ce rôle restant
dévolu à l'OTAN (Organisation du traité de
l'Atlantique Nord). Elle accomplira plutôt des missions
humanitaires de secours, de maintien et de rétablissement
de la paix, et de gestion de crise.
Comme le rappelle l'ancien ambassadeur allemand Rolf Hofstetter,
rien ne laissait présager un tel développement il
y a moins de cinq ans. "L'Union européenne et la chose
militaire, dit-il, semblaient incompatibles." L'Union est
actuellement composée de 15 États membres. D'autres
nations, principalement d'Europe de l'Est, devraient joindre les
rangs dans un proche avenir.
Rolf Hofstetter participait, le jeudi 27 septembre à l'Université
Laval, à une table ronde sur les défis posés
par l'élargissement de l'Union européenne. L'événement
était organisé conjointement par le Centre canadien
d'études allemandes et européennes, et par l'Institut
québécois des hautes études internationales
de l'Université Laval.
Moment historique à Saint-Malo
Lors d'une réunion entre Français et Britanniques
à Saint-Malo en décembre 1998, les participants
se sont entendus sur l'objectif de doter l'Europe d'une capacité
autonome d'action dans le domaine de la défense. Très
rapidement, les Quinze sont associés à la démarche
et les décisions sont prises au plus haut niveau. Cet été,
l'état-major de l'Union était inauguré. Selon
le consul de France à Québec, Jacques Audibert,
le succès de la rencontre de Saint-Malo reflétait
trois évolutions importantes et récentes. "Les
Allemands, explique-t-il, étaient prêts à
sortir de leurs frontières, les Britanniques voulaient
entrer dans le processus européen et les Français
avaient beaucoup perdu de leurs inhibitions à l'égard
de l'OTAN."
Jacques Audibert insiste sur le caractère indivisible de
la politique de défense européenne. "Comment
imaginer, demande-t-il, une sécurité divisible lorsqu'on
partage les mêmes valeurs, la même monnaie, les mêmes
frontières communes et ouvertes?" Comme au sein de
l'OTAN, la règle de l'unanimité prévaudra
avec, toutefois, la possibilité dite de "l'abstention
constructive". En clair, un pays pourra être contre
la volonté de l'Union d'agir, mais il ne l'empêchera
pas de le faire. Le consul souligne par ailleurs qu'un texte adopté
en décembre dernier par le Conseil européen de Nice
prévoit la façon d'associer les nouveaux membres
au futur dispositif de défense européen.
Une voix discordante
Renéo Lukic enseigne au Département d'histoire
de l'Université Laval. Il dit avoir de sérieuses
réserves sur la création d'une entité militaire
autonome européenne. "Ce sont des plans sur papier,
lance-t-il. Sans les États-Unis, nous aurions aujourd'hui
le conflit en Bosnie qui continuerait et Slobodan Milosevic serait
toujours au pouvoir." Selon lui, il a fallu une guerre au
Kosovo parce que les Européens furent incapables de contenir
Milosevic. "Depuis le commencement de la crise dans les Balkans
au début des années 1990, précise-t-il, les
Européens n'ont arrêté aucune guerre en Europe
du Sud-Est. L'Union est une organisation internationale dont la
mission principale était de penser l'économie. Elle
n'a pas les moyens politiques ni militaires de gérer une
crise européenne. Les 17 milliards de dollars qu'elle a
dépensés pour pacifier la région ont donné
des résultats très mitigés."
Le consul Audibert rétorque que l'Union est un acteur jeune
en politique étrangère et encore plus jeune dans
le domaine de la sécurité. Il souligne par ailleurs
que 47 000 soldats européens sont actuellement déployés
dans les Balkans, contre 12 000 pour les États-Unis.
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