27 septembre 2001 |
SOMMES-NOUS VRAIMENT HUMAINS ?
Si je décide d'écrire aujourd'hui , ce n'est
pas pour expliquer les agissements de certains organismes qui
se font appeler à tort "islamistes", mais plutôt
pour parler d'un phénomène social qui était
à l'état latent et qui a surgi avec les attentats
de New-York. Comme chacun d'entre vous, la nouvelle m'a bouleversé
et m'a poussé à réfléchir sur l'avenir
de l'humanité. Cependant, ce qui me choque le plus en ce
moment, c'est l'attitude de certaines personnes envers la communauté
arabo-musulmane. Au début, je la sentais dans le regard
accusateur des autres, puis je l'entendais. Je me suis senti coupable
du simple fait que je suis musulman.
Jamais je n'oublierai le gars qui est descendu de la voiture et
qui nous pointait du regard, moi et mon ami, en nous disant: "Vous
avez des bombes là dedans?", ni celui qui m'a poussé
en me lançant dans la figure un "Sale arabe",
cela résonne encore dans mes oreilles. Je vous laisse deviner
quel effet cela fait sur la personne visée. Je ne peux
blâmer ces personnes-là, sachant que c'est une minorité.
J'ai appris depuis mon plus jeune âge que la haine engendre
la haine et qu'il est plus facile d'avoir des préjugés
sur quelqu'un que d'aller s'informer sur lui de plus près.
Je suis musulman et je le clame haut et fort, car comme toute
religion céleste, l'Islam prêche la paix, la fraternité
et la solidarité entre le genre humain, peu importe la
religion, la culture, la couleur ou l'origine. Aujourd'hui que
je commence à m'habituer à ce genre de harcèlements,
je peux dire que ces gens-là me font de la peine parce
qu'ils croient tout savoir, mais au fond, ce n'est que le produit
de certaines propagandes.
Si on s'arrête un peu et qu'on regarde derrière soi,
on peut constater que l'humanité n'a pas fait de progrès.
Ni la science, ni la technologie, ne peuvent témoigner
d'une évolution de l'humanité. Le seul témoin
est le comportement de l'être humain. Un petit aperçu
historique montre clairement que l'Histoire tourne en rond et
que, depuis la nuit des temps, le comportement de l'être
humain n'a pas beaucoup changé. Depuis les Croisades, l'Homme
ne cesse de s'attaquer à son semblable sous prétexte
de le convertir ou de l'empêcher de faire le mal, mais en
fait son vrai dessein c'est de le dominer et de saisir ses biens.
Ainsi, le désir de dominer et de posséder n'est
qu'un instinct animal qui ronge chaque être. À propos
de l'être humain et de son instinct animal, je vous réfère
à ce qu'a dit Bernard Verber : Nous sommes une espèce
intermédiaire entre l'animal et l'être humain".
J'avoue que c'est une vision un peu idéaliste de l'être
humain, mais au fond, je crois qu'il a raison. L'être humain
ne pourra exister que dans un monde de paix, un monde où
il n'y a pas d'armes ni de politiciens qui font subir à
leurs peuples les conséquences de leurs bêtises.
ALADINE BEN ABDALLAH
Étudiant à la Faculté des lettres
AVEC LES TOURS S'EFFONDRENT LA RAISON ET LES CERTITUDES
Les attentats sur New York et Washington, par leur force,
leur violence et l'ampleur de leurs effets, donnent à réfléchir
À l'absurdité d'abord. À celle qui fait que
des milliers d'Américains, qui ont commis pour seul crime
de se rendre au travail faute d'avoir eu la chance de rater leur
taxi, ont péri sous des attaques calculées, motivées
par la haine et le désir de semer la terreur. À
celle qui fait que des milliers d'Afghans, qui n'ont pas plus
à voir avec ce conflit que les gens qui se trouvaient dans
les édifices ciblés, doivent actuellement quitter
leur patrie par peur d'une riposte, si tant est qu'ils y parviennent
à temps puisqu'on leur ferme les frontières. À
celle qui fait que la conscience internationale s'éveille
tout à coup, elle qui avait à peine l'il ouvert
sur les femmes violées de l'Algérie, les luttes
fratricides du Rwanda ou les bombes du Moyen-Orient.
Au simplisme ensuite. À celui qui voudrait que l'attentat
proféré n'ait pas de causes, sinon la folie pure
et simple de disciples d'Allah qui se sont levés un bon
matin en ayant le goût de faire kamikaze dans un gratte-ciel.
À celui qui veut que tenter de comprendre pour saisir équivaut
à tenter de justifier pour innocenter. À celui qui
fait qu'on ne voit dans ces jeunes Palestiniens qui célèbrent
que des âmes sans compassion, en oubliant que ces Américains
qui meurent sont aussi pour eux les commanditaires des bombes
qui leur tombent quotidiennement sur la tête. À celui
qui souhaiterait expliquer et régler le conflit selon les
règles du western-spaghetti, où bons et méchants
sont présentés en noir et blanc.
À la complaisance. À celle de ceux qui se confortent
dans l'indifférence. À celle qui mène à
l'explication commode que l'attaque de symboles américains
est dénuée de signification et que l'isolationnisme
politique et la volonté de définir les règles
du jeu des Américains n'ont rien à voir avec le
mépris que leur porte manifestement une partie du tiers-monde.
À celle qui fait qu'on adhère à des caricatures
rassurantes, qui voudraient que les Américains soient tous
de méchants impérialistes d'un côté
ou que les Arabes soient tous de vilains intégristes de
l'autre.
À l'ignorance. À celle qui surgit alors que l'on
réalise que la connaissance de l'Histoire nous fait cruellement
défaut pour bien comprendre les univers des cultivateurs
d'opium et de ceux qui en vendent les produits dans les rues de
l'Occident. À celle qui fait qu'on a peine à comprendre
ce qui peut bien motiver un humain à se servir de son propre
corps comme outil et arme. À celle qui fait qu'on analyse
si étroitement le conflit qu'on en perd à la fois
la portée symbolique, l'empathie et la solution.
À l'équilibre. À celui si déstabilisant
d'individus prêts à diriger violemment un avion dans
des tours, eux qui demeuraient depuis plusieurs années
en terre d'Amérique et dont on dit pourtant qu'ils étaient
de bons citoyens, voisins et pères de familles. À
celui si complexe qui gère les rapports en constante évolution
et négociation entre les sociétés dites développées
et sous-développées. À celui si fragile qui
soigne la frontière entre guerre et paix.
Et, heureusement, au soulagement. À celui qui nous habite
lorsque sont lancés, de partout à travers le monde,
des messages de paix et d'ouverture. À celui que nous inspire
le temps de réflexion que semblent s'être donné
nos dirigeants, dont on pourrait craindre l'adhésion à
une spirale de la violence et de la bêtise. À celui
de voir le président américain entouré de
sages conseillers, lui qu'on imagine facilement mettre ses talents
de fervent de la peine de mort à l'uvre et revêtir
son habit de cow-boy pour jouer au GI Joe.
Les attentats donnent enfin à réfléchir à
la noblesse qui distingue l'être humain de la calculatrice.
À cette noblesse du cur qui donne lieu à l'expression
de gestes d'entraide, de solidarité, de sympathie, d'empathie,
ou d'affection. À l'ouverture, à l'intelligence
et au sens critique qui font la noblesse de l'esprit. À
la noblesse de tous ces sentiments et de toutes ces idées
qui peuvent nourrir notre confiance en l'avenir.
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