![]() |
20 septembre 2001 ![]() |
Après trois ans de travaux, le 28 août,
le Comité de révision de la procédure civile
au Québec a remis son rapport final au ministre de la Justice
Paul Bégin. Les 327 recommandations du rapport visent l'intégration,
la limitation, la simplification et l'allégement des procédures
contenues dans le Code de procédure civile. Les auteurs
du rapport prônent une justice civile plus rapide, plus
efficace et moins coûteuse.
Le rapport vise notamment à faire échec au sentiment
d'impuissance qu'éprouve le citoyen envers le système
de justice. Ce sentiment découle de la complexité
(multiplicité de règles, langage technique peu compréhensible)
des procédures, laquelle entraîne des délais
et des coûts supplémentaires. Ces coûts sont
financiers, mais aussi sociaux et humains puisque la confrontation
devant le tribunal peut causer de l'inquiétude, de l'incertitude
et de l'anxiété.
Telle que proposée, la nouvelle façon d'être,
de voir, de penser et de faire la justice civile s'articule autour
de cinq grands axes: le respect des personnes, la responsabilisation
des parties, la proportionnalité de la procédure,
l'ouverture aux technologies de l'information et l'intervention
accrue du juge. Réaliser certains actes de justice en dehors
des palais de justice, créer un Tribunal unifié
de la famille, accepter le témoignage écrit de citoyens
sur des faits plus secondaires, ou bien fournir une assistance
juridique dans les palais de justice sont quelques-unes des nombreuses
pistes de solution avancées dans le rapport.
Une "justice douce"
Denis Ferland, professeur titulaire
de la Faculté de droit et spécialiste des questions
de procédure civile, a présidé aux travaux
du Comité. Il rappelle que le système de justice
civile au Québec en est un d'adversaires; il vise la confrontation
et met en opposition deux parties chargées de faire la
preuve de certains faits. Dans ce système, la tâche
du juge consiste pour l'essentiel à trancher le litige.
"Or, dit-il, les tendances contemporaines démontrent
que le juge est appelé à jouer un rôle élargi,
à se préoccuper du déroulement de la cause,
à être un "guérisseur de conflits",
pas uniquement un décideur. On pourrait appeler cela un
système d'adversaires, mais adouci."
Cet élargissement de la fonction judiciaire traditionnelle
a déjà des adeptes au Québec. "Le déluge
du Saguenay, rappelle Denis Ferland, avait entraîné
de très importantes poursuites. On a réglé
pour environ 10 millions de dollars à la suite de l'intervention
conciliatrice d'un juge de la Cour supérieure du Québec
dans les dossiers relatifs aux recours collectifs." Depuis
1997, la juge Louise Otis de la Cour d'appel du Québec
mène une expérience pilote de conciliation qui a
donné jusqu'ici de très bons résultats.
Le défi de la conciliation
"La conciliation, ajoute le professeur
Ferland, permet surtout aux parties de rendre un jugement sur
leur propre litige. Elles tranchent puisqu'elles ont la maîtrise
des solutions." S'adresser à un juge conciliateur
présente trois avantages déterminants: il est déjà
là, il dispose d'une grande autorité morale et il
est déjà payé par l'État. "Mais
ce ne sont peut-être pas tous les juges qui sont aptes à
agir comme conciliateurs, indique Denis Ferland. Cela suppose
certaines connaissances, pas uniquement juridiques, qui relèvent
de la psychologie et des relations interpersonnelles, afin d'amener
l'autre à comprendre notre point de vue."
Selon Denis Ferland, le ministre Bégin a très bien
réagi au rapport. "Nous sommes confiants, dit-il,
que la réforme proposée sera bien accueillie dans
le milieu juridique." Implanter cette nouvelle culture
judiciaire demandera toutefois plusieurs années puisque
cela impliquera un changement de mentalités.
![]() |