![]() |
13 septembre 2001 ![]() |
Il s'appelle Maurizio Gatti. Italien, polyglotte et amateur
de grands espaces, cet étudiant au doctorat en littérature
québécoise rédige présentement une
thèse sur les auteurs amérindiens du Québec
qui écrivent en français. "Il s'agit d'une
littérature émergente, indique-t-il. Ma thèse
traite d'une trentaine d'auteurs qui ont publié une soixantaine
d'ouvrages. Bernard Assiniwi, qui a notamment publié un
roman historique sur les Béothuks de Terre-Neuve, est l'un
d'eux."
Pour son doctorat, l'étudiant a parcouru de grandes distances
au cours des trois dernières années. Entre autres,
il s'est rendu à de nombreuses reprises sur la Côte-Nord.
"Les gens sont très accueillants dans les communautés
autochtones, même chez les mohawks, dit-il. J'aime les contacts
humains et j'ai pu obtenir la collaboration de tous les écrivains.
L'an dernier j'ai effectué une tournée dans plusieurs
universités italiennes avec une poétesse montagnaise;
nous avons prononcé des conférences et fait des
récitals de poésie."
Les auteurs étudiés sont issus des communautés
algonquine, attikamekw, crie, huronne-wendat et innu-montagnaise.
Ils affectionnent particulièrement la poésie et
le théâtre comme modes d'expression. Leurs thèmes
préférés sont l'identité, le territoire
et la colonisation. Les textes prennent souvent la forme de récits
de vies ou de transcriptions de légendes anciennes. "Leur
intérêt pour la poésie peut s'expliquer par
une structure qui se rapproche de celle de leur langage, soutient
Maurizio Gatti. Le théâtre, lui, leur permet d'explorer
la gestualité bien présente de leur culture."
Une très belle langue
D'aussi loin qu'il se rappelle, Maurizio Gatti a toujours
eu la passion des langues vivantes. Plus jeune il a étudié
dans une école française à Rome. Il considère
d'ailleurs la langue de Rabelais comme très belle, mais
difficile à apprendre, surtout à l'écrit.
Ses études de maîtrise, il les a faites à
Rome en langues et littératures étrangères
avec spécialisation en littérature française.
Son mémoire terminé, une bourse du ministère
de l'Éducation du Québec lui a permis d'effectuer
ici un complément de recherche sur les auteurs autochtones
québécois écrivant en français. Ses
résultats furent si prometteurs que son superviseur, le
professeur Denys Delage, lui suggéra de prolonger son séjour
en terre québécoise le temps d'un doctorat.
En plus de sa langue maternelle et du français, Maurizio
Gatti parle l'anglais, l'espagnol et... le tibétain, une
langue dont il a appris les rudiments lors d'un séjour
en Inde. Selon lui, on n'a pas le choix que de partir de zéro
lorsqu'on fait ses premiers pas dans une langue qui n'a aucun
point commun avec notre langue maternelle. "On ne peut pas
s'arranger, explique-t-il. Un Italien qui s'adresse à un
Espagnol va se faire comprendre s'il invente un peu. Mais s'il
s'adresse à un Tibétain, qu'il connaît les
mots tibétains isolés et qu'il essaie de construire
une phrase avec la structure italienne dans la tête, l'autre
ne va rien comprendre."
Selon Maurizio Gatti, les langues amérindiennes, à
l'instar du tibétain, sont très complexes et peuvent
être très poétiques. Elles possèdent
des expressions très différentes de celles propres
aux langues latines ou germaniques, ce qui démontre une
façon différente de penser. Ainsi, un Tibétain
dira: "Mon coeur bat pour toi" tandis qu'un Occidental
dira: "Je t'aime."
Maurizio Gatti se destine à une carrière d'interprète
et de traducteur. Au Québec ou en Italie? Sa décision
n'est pas arrêtée. Chose certaine, il apprécie
toujours son expérience québécoise, en particulier
la neige, la vie en forêt, les randonnées en raquettes
sur un lac gelé et les aurores boréales. Il dit
toutefois s'ennuyer de l'humour et de la nourriture de son pays.
"La chose qui me manque le plus, ajoute-t-il, est de parler
ma langue maternelle à tous les jours."
![]() |