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13 septembre 2001 ![]() |
EBUSINESS: EVOLUTION OU REVOLUTION?
La révolution de l'eBusiness se poursuit. Discrètement.
Si on ne lit que les pages économiques des grands journaux,
on risque de retenir que l'industrie ne se remettra pas de l'effervescence
Internet d'il y a deux ans où les point.com les plus invraisemblables
trouvaient des capitaux de risque. Grossière erreur de
jugement -- les technologies extraordinaires prennent du temps
à réaliser toutes leurs promesses. Le temps qu'il
faut pour qu'une nouvelle génération parvienne aux
postes de commande; le temps que les gens comme vous et moi apprennent
à utiliser ces nouveaux outils.
J'enseigne l'eBusiness depuis maintenant six ans. À l'automne
1994, peu après le lancement du pilote de Mosaic (devenu
Netscape), j'ai commencé à enseigner les principes
de base du commerce électronique dans le contexte d'un
cours de MBA en distribution. Je me souviens encore de l'émoi
des étudiants, à la fois séduits par la "magie"
de l'Internet, que pratiquement personne ne connaissait, et inquiets
parce que pratiquement aucun ne croyait qu'Internet aurait un
impact sur la distribution... L'année suivante, les gens
d'affaires commençaient à prêter l'oreille.
Nombreuses conférences publiques où nous faisions
des enquêtes à main levée. 1996: 15 %-20 %
des gens d'affaires avaient une adresse électronique.
1997: début de la folie. Une autre image. Je dois m'adresser
à un auditoire d'étudiants de MBA et leur parler
de l'impact de ces nouvelles technologies. J'ai prévu
dire que le monde va changer au delà de tout ce que l'on
peut imaginer, qu'il est impossible de prédire quels outils
vont apparaître parce qu'il y a une rupture avec ce que
nous savions faire. Un autre conférencier prend la parole
avant moi. Ce n'est pas un prof -- c'est un VP charismatique qui
travaille dans une grande entreprise. Il articule une vision de
changements radicaux, mais alors que moi je pensais à un
futur indéterminé, lui il parle de demain. De tout
Amazone. Les consommateurs vont tout acheter enLigne. Y compris
leur automobile et leur épicerie. L'auditoire est subjugué.
Je parle à mon tour et me sens tout bêtement obligé
de dire que... non, plein de choses qui existent aujourd'hui ne
vont pas changer tout d'un coup. Que les promesses sont là
mais elles vont prendre du temps à se matérialiser,
et probablement pas dans ces secteurs. De l'énergie, du
travail, de la patience, de la vision. J'aurais dû me taire.
1998-1999: Le monde des affaires est intoxiqué. Il y a
trois ans, c'était la stagflation. Maintenant, il y a ce
secteur de l'activité économique qui croît
au rythme de 10 % par mois! Incrédule, je vois les cours
de la bourse monter à une vitesse ahurissante. Début
1999 je ne veux plus y toucher. Nous lançons des réseaux
d'eCommerce et tout les participants se moquent gentiment de moi
parce que mes fonds d'obligation affichent des pertes alors que
leurs placements en bourse font du 40 % l'an. Et c'est moi qui
est supposé enseigner comment gérer?!?
Printemps 2000: L'industrie se sent un peu comme celui qui a bu
un peu trop de champagne. On rigole moins, on trouve que les autres
invités parlent trop fort, on a envie de sortir de la pièce,
on sort la calculatrice et force est de constater qu'Amazone à
400 $ US, c'est douteux, on sent un vertige, une crampe, le plancher
qui se dérobe. Jamais on aura vu un secteur d'activité
fondre aussi rapidement. On lira qu'Internet est synonyme de pornographie,
que "les affaires c'est les affaires" et qu'Internet
ne va pas changer les principes de base de l'administration. On
entend que les compagnies de disque ont réussi à
fermer Napster. Ceux qui ne savent pas savent qu'Internet était
une mode. Ceux qui savent commencent à douter.
J'entendais un prof d'une autre institution comparer Internet
à l'électricité. "Pensez-vous qu'il
serait possible de faire fonctionner une épicerie sans
électricité?..." (moi, je ne vois pas comment)
"... mais certainement que c'est possible! Il y a cent ans,
toutes les épiceries fonctionnaient sans électricité
-- Internet, l'électricité, c'est une évolution,
PAS une révolution." J'encaisse le coup. Il me faut
quelques minutes pour comprendre ce qui ne marche pas dans l'argument.
Vous avez essayé de faire fonctionner un studio de télévision
sans électricité? De donner un coup de téléphone
à un collègue? Vous comprenez que la révolution
Internet ne réside pas dans le changement (brutal et majeur)
qui va s'opérer dans les industries actuelles, mais bien
que cette révolution prendra naissance dans des industries
que l'on ne parvient pas vraiment à imaginer? Et ce prof,
je l'avais vu en webcast...
Aujourd'hui, il faut garder l'oeil sur les chiffres de base. Exemples:
Nielsen NetRatings montre une progression de l'auditoire Internet
de 40 % depuis le début de l'année. Les ventes au
détail enLigne ont progressé de plus de 20 % au
second trimestre de 2001 par rapport au même trimestre 2000.
Près de 60 % des Internautes ont effectué des achats
enLigne; 90 % ont l'intention de le refaire. Je ne connais plus
de gens d'affaires sans adresse électronique. Internet
est partout. Son rôle dans la vie de tous les jours est
encore en expansion rapide. Son avenir est incertain.
Aujourd'hui, il faut garder l'oeil sur les gens qui feront l'Internet.
Maintenant que les opportunistes sont rentrés à
la maison, le vrai travail commence.
ORGANIMES LINGUISTIQUES ET PURISME D'ÉTAT
L'une des recommandations les plus médiatisées
au moment de la publication du Rapport Larose a été
celle concernant la fusion des quatre organismes qui sont issus
de la Charte de la langue française. L'occasion est belle
pour attirer l'attention du gouvernement sur la nécessité
d'un renouvellement de ces organismes, non pas tant pour ce qui
est de leur structure que de leur fonctionnement.
Il faut en effet se méfier, me semble-t-il, de la concentration
qui naîtrait de la réforme préconisée
par la Commission. Nous avons déjà l'exemple du
ministère de l'Éducation: sa taille gigantesque
n'est-elle pas la cause des multiples reproches qui lui sont adressés?
Pour l'évaluation de la maîtrise du français,
par exemple, notre société ne serait-elle pas mieux
servie avec un organisme plus souple, avec des services décentralisés?
Dans le cas des organismes linguistiques, le danger principal
est celui de la pensée unique. De ce point de vue,
le Rapport Larose est inquiétant. Tout le projet d'aménagement
linguistique est dominé par ce que les commissaires appellent
le "français québécois standard",
un concept qu'ils ont gâché en ne retenant que le
point de vue d'un lobby formé de quelques personnes qui
influencent depuis longtemps les politiques gouvernementales sur
la qualité du français. Si on peut arriver à
de tels résultats avec une commission qui a fait le tour
du Québec, à plus forte raison risque-t-on d'assister
à la mainmise d'un petit groupe sur la politique linguistique
à la suite d'une fusion des organismes. Si ce groupe était
celui qui a noyauté la Commission Larose à l'étape
de la rédaction, on abouterait à ce que j'ai appelé
ailleurs un "purisme d'État".
Qu'on fusionne ou non les organismes linguistiques, ce qui urge,
à mon avis, c'est de les contraindre à écouter
ce qui se dit en dehors de leurs bureaux. Il faudrait en outre
trouver une formule qui les amène à collaborer
avec d'autres, principalement avec les universitaires qui pourraient,
avec leurs étudiants, traiter des questions de terminologie
et de lexicographie qui se posent, voire même assurer certains
services de consultation auprès du public.
L'Office de la langue française pourrait notamment animer
un magnifique projet de révision en profondeur de son Grand
dictionnaire terminologique (GDT). Cet ouvrage a déjà
une bonne réputation, non seulement au Québec, mais
aussi à l'étranger: on ne trouve pas l'équivalent
ailleurs. Cependant, ses données nécessiteraient
un grand dépoussiérage, sinon l'étoile de
l'OLF risque de pâlir dans quelque temps. Les explications
et les jugements à propos des mots de la langue commune
qu'on y trouve sont loin d'être à jour. J'ai déjà
soumis l'idée que des universitaires, représentant
divers points de vue, pourraient être mis à contribution
pour l'amélioration de cet outil de référence.
Une telle entreprise collective serait susceptible de faire avancer
la réflexion sur la définition du français
québécois soigné, puisque le GDT traite de
nombreux mots de la langue courante, comme fève,
fournaise, chaudière
Une voie à explorer serait de prévoir, dans les
budgets alloués aux organismes linguistiques, une portion
qui serait réservée pour des projets effectués
dans les universités. On contribuerait ainsi à leur
financement, on offrirait à de jeunes étudiants
la possibilité de s'insérer dans des projets de
recherche utiles, on favoriserait la circulation des idées
et on s'assurerait que le dossier de la qualité de la langue
ne soit plus la chasse gardée des organismes linguistiques.
Actuellement, seul le Secrétariat à la politique
linguistique paraît fournir une aide pour la diffusion des
résultats des recherches sur le lexique dans les universités,
sans parti pris. Son action a déjà eu des retombées
concrètes, au Québec et à l'étranger.
La Commission Larose a insisté sur la responsabilité
qui incombait à tous les "acteurs de la société"
dans la mise en uvre d'une politique linguistique accueillante
et efficace. Voilà une des recommandations qui méritent
de retenir l'attention du gouvernement.
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