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30 août 2001 ![]() |
La commission parlementaire sur la violence au hockey mineur
a mis un terme à ses activités la semaine dernière,
à Québec. Dany Bernard, étudiant au doctorat
en éducation physique, a été parmi les derniers
à s'adresser aux commissaires. "La violence au hockey
mineur est devenue un véritable fléau avec le temps,
dit-il. Il s'agit d'un problème endémique qui touche
les différents intervenants. Endiguer cette violence va
demander une prise de position large et très vigoureuse.
Les commissions parlementaires précédentes sur le
même sujet n'ont abouti qu'à des voeux pieux. Cette
fois, il faut que quelque chose se passe. Sinon on aura, encore
une fois, dépensé du temps et de l'argent pour rien."
Lorsque l'étudiant entend dire que la pratique sportive
développe de meilleurs citoyens, des gens intègres,
respectueux des lois et altruistes, il crie à l'imposture.
"Ma thèse, explique-t-il, fait la preuve que le hockey
socialise l'athlète, dans la pratique de son sport, à
transgresser les règles et à utiliser la violence
comme mode de résolution de problèmes." Plus
grave encore, certaines études américaines avancent
l'hypothèse que ceux qui pratiquent un sport avec contacts
physiques auraient tendance à transférer dans leur
vie privée le recours à la violence comme mode de
résolution de problèmes.
La sous-culture du hockey
Dany Bernard déposera bientôt sa thèse
intitulée: Une saison de hockey à la division
bantam: outil d'éducation morale. Dans les débuts
de sa recherche, il a suivi les activités d'une équipe
de catégorie élite dont les joueurs étaient
âgés entre 14 et 15 ans. Deux caméras ont
filmé les parties et les exercices de l'équipe,
l'une d'elles enregistrant ce qui se passait sur le banc des joueurs.
On avait également affublé l'entraîneur d'un
micro sans fil. L'étude comprenait une entrevue avec chacun
des joueurs basée sur un montage vidéo de ses comportements.
Un montage semblable a aussi été fait sur l'entraîneur.
Quatre ans plus tard, les joueurs étaient soumis au même
questionnaire.
"Ils ont exactement la même façon de voir, souligne
Dany Bernard, donc il y a une cristallisation des valeurs. Cette
incroyable uniformité laisse croire que la sous-culture
du hockey sur glace est tellement forte qu'on ne se cache pas
pour dire que, oui, on contrevient aux règles pour gagner.
Un des athlètes l'a dit ouvertement: "Le hockey, c'est
comme une arène où on se permet des choses [coups
de bâton, intimidation verbale, etc.] qu'on ne se permettrait
jamais dans la vie de tous les jours parce que les coûts
[amende, poursuite, emprisonnement] seraient trop élevés"."
Selon Dany Bernard, il n'existe pas d'outil aussi puissant que
le sport d'équipe pour le développement intégral
(affectif, cognitif, moral et social) de la personne. Un outil
dans lequel la victoire a sa place, à condition qu'elle
ne soit pas survalorisée. Sauf que le hockey mineur évolue
actuellement dans un processus de performance et de productivité
qui ignore l'aspect humain. La philosophie des entraîneurs
reproduit celle appliquée dans les circuits supérieurs
et a pour finalité la victoire à tout prix. Dans
cette approche, la fin justifie les moyens, la transgression des
règles constituerait même une habileté compétitive,
et tout est permis, en autant qu'on ne se fasse pas prendre.
Dany Bernard précise qu'il ne critique pas le hockey en
tant que tel, un sport beau et spectaculaire, l'un des plus difficiles
à pratiquer et qui compte plus de 100 gestes techniques,
mais bien l'utilisation que l'on en fait. "Le hockey d'aujourd'hui,
dit-il, où on est en train d'ériger la violence
en système, n'encourage pas la créativité,
soit l'attaque, mais plutôt la répression du talent
par des tactiques illégales. Il vaut la peine de travailler
sur ce sport, mais cela va prendre un changement radical. En cinq
ans, la pratique du hockey au Québec a chuté dramatiquement,
passant de 130 000 à 80 000 joueurs."
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