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30 août 2001 ![]() |
Nathalie Croteau, étudiante au doctorat en archéologie,
vient de rentrer d'un séjour de six semaines en Guyane
française, un département français d'outre-mer
situé sur la côte nord-est de l'Amérique du
Sud. Là-bas, dans la municipalité de Rémire,
elle a dirigé comme responsable scientifique une petite
équipe de cinq fouilleurs, dont trois étudiants
de premier cycle de l'Université Laval, lors de fouilles
archéologiques sur l'emplacement d'une ancienne poterie
qui produisait pour la grande Habitation de Loyola. Celle-ci,
un vaste domaine aménagé à flanc de montagne,
fut en son temps propriété de l'ordre des jésuites.
Cet été, l'Habitation Loyola a elle aussi fait l'objet
de fouilles, supervisées cette fois par le professeur de
l'Université Laval Réginald Auger et par l'archéologue
français Yannick Leroux. L'Habitation a fonctionné
durant un siècle, soit de 1664 à 1768. Fait particulier:
on y a produit du sucre, du début du 18e siècle
jusqu'en 1740. "Dans le milieu colonial, explique Nathalie
Croteau, le statut le plus noble était celui d'habitant
sucrier. C'était une tâche ardue qui nécessitait
beaucoup d'argent. L'ordre des jésuites fournissait les
fonds. Ils ont donc pu s'installer et avoir suffisamment d'esclaves
pour pouvoir cultiver la canne à sucre. L'argent obtenu
de la vente de sucre permettait de financer les missions d'évangélisation
auprès des indigènes."
Cinq voyages en cinq ans
Ce voyage était le cinquième du genre pour l'étudiante
depuis 1997. Sur le site de Loyola, elle a participé, comme
responsable de secteur, à des campagnes de fouilles portant
sur la cuisine, l'hôpital et la forge. En 1999, Réginald
Auger fouillait la maison de maître.
Nathalie Croteau a également étudié les débris
de poterie récupérés sur plusieurs sites
archéologiques dans le département. Elle en est
ainsi venue à s'intéresser aux objets de céramique
produits à l'Habitation Loyola. C'est qu'on avait localisé
les vestiges d'un atelier de poterie à cet emplacement
autour de 1990. Mais parce que le paysage change rapidement sous
ces latitudes et parce qu'on n'avait pas enregistré le
site, ce dernier fut perdu. À l'été 2000,
l'étudiante et Yannick Leroux ont repris les recherches.
Ils ont notamment utilisé une vieille carte du 18e siècle
indiquant l'existence dudit atelier. Ils ont finalement trouvé
des amoncellements de pierres, une chose très rare en forêt
guyanaise.
"Nous n'étions pas encore certains qu'il s'agissait
de la poterie, raconte Nathalie Croteau. Puis, nous avons trouvé
des indices d'activité potière, soit des bonnettes
de cuisson et de la brique très vitrifiée. Nous
avons également découvert plein de tessons avec
l'étampe IHS [Jésus sauveur de l'humanité]
dessus. C'était la preuve que l'on produisait à
cet endroit pour les jésuites de l'Habitation."
Un inventaire subséquent a démontré que l'atelier
de poterie produisait autant d'objets à vocation industrielle
(formes à sucre, pots de raffineur) que d'objets à
usage domestique (marmites, terrines). "Ces derniers objets
étaient toujours de très grande taille, précise
Nathalie Croteau. Comme les jésuites fournissaient la nourriture
à leurs travailleurs, et qu'ils étaient pas loin
de 400 en 1763, les terrines servaient probablement à préparer
les aliments."
Cet été, Nathalie Croteau et son équipe ont
découvert des pavages, possiblement des fosses d'extraction
de l'argile ainsi que des amoncellements de pierres qui pourraient
dissimuler les restes du four. "On s'est rendu compte cette
année que le site de l'atelier de poterie est très
grand, souligne-t-elle. Il a aussi beaucoup de potentiel. L'an
prochain, je compte bien redemander un permis de fouilles au gouvernement
français."
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