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30 août 2001 ![]() |
Plus une famille possède de secrets découlant
de problématiques lourdes (alcoolisme, abus physiques,
pauvreté, grossesse non désirée, etc.), plus
les enfants, au cours de leur ajustement à la vie adulte,
ressentiront de manière excessive des sentiments tels que
la honte et la culpabilité. D'autre part, ils n'auront
pas de mal à démontrer de la familiarité
et de la confiance dans leurs relations interpersonnelles.
Telles sont les principales conclusions d'une étude récente
menée à l'Université Simon Fraser, en Colombie-Britannique,
et dont les résultats ont été présentés
par l'étudiante à la maîtrise Jacoba A. Leyenhorst,
en juin dernier à l'Université Laval, dans le cadre
du 62 e Congrès annuel de la Société canadienne
de psychologie. Sa présentation avait pour titre: "J'ai
un secret: les répercussions des secrets de famille sur
l'ajustement à la vie adulte."
"Je suis la plus jeune de six enfants, explique Jacoba Leyenhorst.
Je connais plusieurs personnes issues de grosses familles et j'ai
vu qu'il y a beaucoup de choses que les membres d'une même
famille ne disent pas à un étranger. Ce peuvent
être aussi un ou des secrets que les parents ne partagent
pas avec leurs enfants ou vice-versa."
Entre normalité et dysfonctionnalité
Cent soixante-quinze étudiantes et étudiants
de premier cycle de l'Université Simon Fraser, soit 118
femmes et 57 hommes âgés entre 17 et 33 ans, ont
participé à la recherche. À partir de leurs
réponses à une série de questionnaires, les
responsables de l'étude les ont répartis en un groupe
familial normal (118 personnes), un groupe familial dysfonctionnel
(27 personnes) et un groupe familial "enfants d'alcooliques"
(30 personnes). "J'ai choisi ce dernier groupe, précise
l'étudiante, parce qu'il représentait pour moi l'exemple
concret d'une famille où il y aurait davantage de secrets
qu'ailleurs. J'avais aussi un intérêt personnel car
je suis l'enfant d'un alcoolique."
L'étude a démontré que les enfants issus
de familles possédant un nombre élevé de
secrets sont davantage susceptibles d'en parler, à l'intérieur
comme à l'extérieur du milieu familial. Cette constatation
a surpris Jacoba Leyenhorst. "J'avais entrepris cette étude
en pensant que les gens ont tendance à cacher davantage
ces choses, indique-t-elle. En fait, ils en parlent plus."
Autres résultats: les individus provenant de familles dysfonctionnelles
possèdent légèrement plus de secrets que
ceux provenant de familles normales. Leurs niveaux de honte et
de culpabilité sont aussi plus élevés. À
souligner: à peine le quart des participants ayant un ou
des parents alcooliques ont déclaré provenir de
familles dysfonctionnelles.
Selon Jacoba Leyenhorst, l'existence de secrets de famille liés
à des problématiques lourdes s'explique par l'importance
de préserver à tout prix une image de normalité
aux yeux des étrangers. "C'est important pour les
parents qui veulent donner l'impression d'être en contrôle
de leur famille, soutient-elle. Cette façade est également
importante pour les enfants qui, ayant besoin de s'intégrer
à leur groupe d'amis, ne veulent pas paraître bizarres
à leurs yeux."
Selon l'étudiante, il est parfois plus facile de nier un
problème, de l'ignorer et de le cacher, que d'y faire face.
Cela dit, ces secrets sont souvent mal gardés. "Il
arrive fréquemment, dit-elle, que quelqu'un d'extérieur
à la famille voit que quelque chose ne tourne pas rond.
Ce qui explique pourquoi des gens interviennent."
YVON LAROSE
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