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23 août 2001 ![]() |
L'histoire se répéterait-elle? Il y a cinq siècles,
les Mayas du Yucatan, au Mexique, ont vu les Espagnols conquérir
leur territoire et s'y établir. Tandis que les missionnaires
franciscains catholiques faisaient la conversion des âmes,
les propriétaires terriens européens avaient recours
à la main d'oeuvre indigène, abondante et bon marché,
pour le développement de leurs seigneuries. Aujourd'hui,
un phénomène similaire prend forme. D'une part,
l'Église catholique maintient sa domination spirituelle
sur les métis descendant des Mayas d'autrefois; d'autre
part, un grand nombre des métis mayas (environ 30 000 en
l'an 2000) travaillent dans les manufactures du type "maquiladora",
des entreprises dont le siège social se trouve habituellement
dans un pays développé, et en implantation rapide
au Mexique et en Amérique latine dans le cadre de la restructuration
industrielle de l'économie mondiale.
Ce parallèle entre le passé et le présent
a fait l'objet de la présentation de l'étudiante
au doctorat en géographie Nathalie Gravel, le 17 août
à l'Université Laval, lors du 11e Congrès
international des géographes historiens. Selon elle, la
"nouvelle conquête" du Yucatan survient au terme
d'une très longue période de temps marquée
par des tendances assez constantes à la domination, à
la résistance, à un goût d'affranchissement
et à la répression. "Ces cinq siècles,
explique-t-elle, ont mis en lumière une autre forme de
continuité, soit celle d'une culture indigène différée,
reportée, une émancipation projetée dans
l'avenir." Elle ajoute que deux attitudes se sont affrontées
durant toutes ces années. "L'esprit du colonisateur
tend vers l'action et vise à dominer à court terme,
indique-t-elle. L'esprit du colonisé fonctionne dans la
passivité et la patience. Il prend son temps et ne se soumet
pas facilement."
Selon Nathalie Gravel, si les Mayas d'autrefois ont adopté
une attitude en partie soumise et en partie rebelle, c'est qu'ils
n'avaient pas d'autre choix. "Les populations paysannes qui
se font coloniser vont évaluer la situation et opter pour
diverses solutions, notamment la "soumission active",
dit-elle. Celle-ci s'articule autour de la collaboration dans
la vie publique et de la résistance dans la sphère
privée. Pour les Mayas, la survie collective des groupes
d'individus importait beaucoup. Cette attitude existe toujours."
Résister, même au travail
Récemment, Nathalie Gravel a passé quelques
mois au Yucatan pour sa thèse. Son travail de terrain l'a
amenée dans quatre maquiladoras, établies dans des
communautés moyennes en milieu rural, où elle a
pu interviewer 35 personnes, aussi bien des décideurs et
des gestionnaires, que des superviseurs et des opérateurs.
Selon l'étudiante, les métis mayas ont du mal à
s'adapter à la culture de production capitaliste. Plusieurs
jeunes travailleurs ont une attitude de soumission et de collaboration
jusqu'à ce que quelque chose aille mal sur le plancher
de production ou dans leur vie privée. Des facteurs tels
que des exigences de productivité élevées
ou un climat de domination et de contrôle entretenu par
les superviseurs font que l'on observe des taux de roulement du
personnel très importants. Quitter son emploi au bout de
six mois pour y revenir plus tard constitue une tendance chez
ces travailleurs. "Je vois le fait de laisser son emploi
comme la manifestation d'un esprit rebelle et comme le refus silencieux
de se laisser dominer et acculturer", souligne Nathalie Gravel.
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