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24 mai 2001 ![]() |
Paul Charest est bien connu des propriétaires de boutiques
de souvenirs de la Côte-Nord. Pour eux, il est le barbu
baraqué qui "trippe" sur les souvenirs de phoques.
Depuis 1997, l'anthropologue a profité de ses vacances
pour visiter des dizaines et des dizaines de boutiques de souvenirs
et de musées entre Tadoussac et Blanc-Sablon, en passant
par Anticosti. Carnet de notes à la main et appareil photo
au cou, il a tenté de saisir l'image du phoque à
travers le bric-à-brac offert en pâture aux touristes
avides de ramener une partie de l'âme du pays dans leurs
bagages. "Je prends des notes et je fais des photos, mais
je n'achète pas tout, prévient-il. Je collectionne
uniquement ce qui est représentatif."
Depuis des temps immémoriaux, la chasse aux phoques a été
une activité économique importante sur la Côte-Nord
et dans le golfe du Saint-Laurent, rappelle le professeur du Département
d'anthropologie. "On s'attendrait donc à ce que les
boutiques de souvenirs offrent de nombreux objets fabriqués
à partir du phoque ou représentant le phoque."
Mais ce n'est pas du tout le cas, a-t-il expliqué aux participants
du 4e Congrès international des sciences sociales de l'Arctique,
présenté la semaine dernière à Québec.
Ses pérégrinations dans les boutiques de la nostalgie
lui ont révélé que les objets faits de phoque
ne se trouvaient plus qu'aux Escoumins et à Longue-Pointe-de-Mingan.
Les artisans qui utilisent encore ce pinnipède dans leurs
productions se comptent maintenant sur les doigts de la nageoire.
Le phoque est surtout présent en images, sur des cartes
postales et des vêtements, ou encore en objets miniatures.
"Il y en a qui sont assez drôles comme des phoques-baromètres
ou encore des salières, des banques ou des tire-bouchons
en forme de phoque!" Les dents et le griffes de cet animal
se retrouvent encore à l'occasion dans des colliers ou
des porte-clés. Quelques artisanes achètent des
petites poupées qui représentent des Inuits, elles
les débarrassent de leurs vêtements pour les remplacer
par des habits en peau de phoque qu'elles cousent elles-mêmes.
L'ère de la baleine
Dans les boutiques de souvenirs, le phoque prend essentiellement
les traits du vulnérable et adorable blanchon, image popularisée
par les groupes écologistes opposés à sa
chasse. La faible importance du phoque, comparée à
celle des baleines ou des macareux (perroquets de mer), est sans
doute liée au boycott international, estime Paul Charest,
qui étudie l'économie du phoque depuis 35 ans. "Lorsque
j'ai commencé mes recherches, une peau de phoque valait
50$. Aujourd'hui, elle en vaut à peine 15$."
La chasse aux phoques a mauvaise réputation, reconnaît-il.
C'est une chasse dure, il l'a d'ailleurs constaté en accompagnant
les chasseurs lors de deux saisons. La relève se fait rare
pour la vingtaine de chasseurs de phoques des Escoumins qui ont
presque tous atteint la cinquantaine. "Les baleines ont remplacé
le phoque dans l'économie de la Côte-Nord. C'est
devenu une attraction internationale; Tadoussac accueille maintenant
300 000 touristes pas année."
Malgré tout, Paul Charest ne se lasse pas de visiter les
boutiques de souvenirs. "C'est le plaisir de l'ethnographe
de voir comment les gens organisent le commerce et quelle image
ils donnent de leur région à travers les objets
qu'ils offrent en souvenirs aux touristes. Un anthropologue n'est
jamais complètement au repos, même pendant les vacances!"
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