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10 mai 2001 ![]() |
Les lois du travail doivent s'ouvrir afin de mieux répondre
aux besoins nouveaux de la société québécoise.
Cette adaptation à la diversité des situations amenées
par la "nouvelle entreprise" doit se faire tout en continuant
à défendre des principes fondamentaux tels que la
liberté syndicale ou le respect de l'égalité
des personnes. Alors que le travailleur change d'employeur, d'état
ou de statut au cours de sa vie professionnelle, le droit du travail
doit lui assurer une certaine continuité et une certaine
sécurité via les politiques familiales des gouvernements,
la sécurité sociale et l'impôt.
Ces idées ont été avancées par Pierre
Verge, professeur associé à la Faculté de
droit, le lundi 30 avril à l'hôtel Hilton Québec,
lors du 56e Congrès des relations industrielles de l'Université
Laval. Cette année, le congrès avait pour thème
"L'incessante évolution des formes d'emploi et la
redoutable stagnation".
L'ère de la "contractualisation"
Durant son exposé, Pierre Verge a démontré
que la notion d'entreprise, au sens classique du terme, et celles
de salarié et d'employeur font partie d'une terminologie
juridique qui colle de moins en moins à la réalité
actuelle du travail au Québec. Selon lui, un nouveau modèle
est en train de se substituer à celui de l'entreprise de
production hiérarchisée traditionnelle. Cette dernière
fonctionne selon la logique de la subordination dans l'exécution
du travail, tandis que la nouvelle logique en est une de "contractualisation".
"Qu'il s'agisse de franchisage, de sous-traitance interne
ou externe, ou d'autres procédés d'"impartition
flexible", l'entreprise n'existe plus alors à la limite,
soutient-il. Elle se réduit notamment à l'exploitation
d'une marque commerciale à travers des agents externes.
Elle est devenue un réseau de contrats."
Cette mutation se produit alors que, mondialisation oblige, les
entreprises redéploient leurs activités et tendent
à extérioriser leur production. Elles possèdent
un noyau d'employés indispensables autour duquel gravitent
des salariés au statut précaire. En conséquence,
l'emploi stable régresse tandis qu'une diversité
d'états (travail indépendant, périodes d'inactivité,
etc.) tendent à remplacer les liens de continuité
qui unissaient jadis le salarié au même employeur.
Le contexte de la "nouvelle entreprise" rend la fonction
d'employeur plus complexe et son identité plus floue. Lorsqu'un
employeur a recours à une entreprise de travail temporaire,
ce geste l'amène à partager sa fonction avec un
sous-ordre d'employeurs, avec la conséquence possible d'un
transfert de ses charges et obligations à ce même
sous-ordre. Le contexte particulier de la "nouvelle entreprise"
fait aussi en sorte que l'employeur "se dérobe"
aux yeux du salarié, par exemple lorsque ce dernier tombe
en chômage ou lorsqu'il change d'emploi. "Comment dès
lors assurer au salarié, malgré sa mobilité
et sa précarité occupationnelle, la sécurité
juridique et économique auxquelles son travail devrait
lui permettre d'aspirer?" demande Pierre Verge.
La réponse, dit-il, se trouve notamment dans les concepts
d'employeur conjoint ou de groupe de sociétés, des
notions qui lient les entités patronales concernées.
D'autres formules, étatiques celles-là, sont à
considérer, comme l'assurance-emploi et l'épargne-retraite.
"Le récent projet de loi québécois sur
l'assurance parentale, qui assure, non seulement aux "employés"
mais aussi aux travailleurs autonomes admissibles, des prestations
pour des congés parentaux, va aussi tout à fait
dans ce sens", ajoute Pierre Verge.
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