26 avril 2001 |
Kamouraska. En langue amérindienne, le nom de cette
pittoresque municipalité riveraine, située dans
l'estuaire du fleuve Saint-Laurent, signifie "Il y a de l'herbe
au bord de l'eau", en raison du foin de grève, ou
foin de mer qui pousse en quantité dans les marais salins
de la baie. Cette végétation servant à nourrir
le bétail ainsi que les marais ont joué un rôle
non négligeable dans l'histoire agricole de la région
de Kamouraska, comme l'a expliqué Matthew Hatvany, professeur
au Département de géographie, le lundi 9 avril au
pavillon Charles-Eugène-Marchand, lors du colloque Géorecherche
2001. L'événement de deux jours était organisé
par l'Association des étudiants et étudiantes en
géographie aux études supérieures.
La communication de Matthew Hatvany avait pour titre: "Au
point de rencontre entre la géographie historique et physique:
les marais salins de Kamouraska". Dans son exposé,
il a fait part des résultats d'une étude récente
qu'il a menée à cet endroit. "J'ai localisé
mon étude dans le comté de Kamouraska parce qu'on
y trouve plusieurs marais salins, indique le professeur-chercheur.
Comme il existait peu de sources écrites et de plans, j'ai
utilisé la technique du carottage, examiné strates
et macrofossiles, et déterminé l'impact de l'homme
sur cet environnement pendant les 400 dernières années,
par l'interprétation et l'analyse des macrofossiles."
Des écosystèmes en évolution
Jusqu'au 17e siècle, les Amérindiens ont utilisé
les marais salins pour chasser et pêcher et ce, sans impact
sur l'environnement. Dans le contexte colonial de 1600 à
1850, et avec un faible impact sur l'environnement, les marais
en question ont servi au pâturage, à la récolte
de foin pour l'hiver et à la chasse. Jusqu'au milieu du
19e siècle, on a creusé des fossés et érigé
des digues, ces dernières servant d'une part au drainage
des champs et, d'autre part, à la protection contre les
marées et les inondations.
De 1850 à 1960, le contexte industriel a amené le
commencement de l'endiguement des marais salins. "Il y a
alors des changements démographiques, souligne Matthew
Hatvany. Il y a beaucoup de pressions sur les terres arables au
Québec pour agrandir l'espace agricole." Un ingénieux
système de drainage appelé aboiteau permettra, en
endiguant des marais sur une grande échelle, de récupérer
à des fins agraires de vastes étendues de sol. Techniquement,
cette digue se sert du mouvement ascendant et descendant de la
marée. Par ses portillons, elle laisse l'eau douce provenant
du drainage des terres cultivées s'écouler à
marée basse vers le fleuve; en retour, elle empêche
l'eau salée du fleuve de se déverser à marée
haute dans les terres agricoles.
Dans les années 1970, le gouvernement du Québec
a donné son aval au dernier projet d'aménagement
d'un aboiteau dans la baie de Kamouraska. Les groupes écologistes
opposés au projet avançaient que les marais servaient
au repos et à la reproduction d'oiseaux sauvages. L'aboiteau
fera plus de 27 kilomètres de long. Il a soutiré
plus de 12 000 arpents de terre au fleuve. Au total, on estime
que huit pour cent de toutes les terres arables du comté
ont été arrachés au Saint-Laurent.
"Depuis une quarantaine d'années seulement, on commence
vraiment à comprendre les changements morphologiques survenus
à la suite du lent endiguement des marais intertidaux d'eau
douce et d'eau salée, explique Matthew Hatvany. On commence
aussi à comprendre qu'il faut peut-être retourner
vers l'approche qui avait cours du temps de la colonie dans la
double perspective de la protection des habitats fauniques et
d'une économie durable."
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