26 avril 2001 |
Le 12 avril dernier, Michel Vigneault, chargé de cours
au Département de kinanthropologie de l'Université
du Québec à Montréal, était de passage
à Laval pour la soutenance de sa thèse de doctorat
en histoire. Celle-ci s'intitule La naissance d'un sport organisé
au Canada: le hockey à Montréal, 1875-1917.
Selon Michel Vigneault, faire un doctorat en histoire du sport
n'allait pas de soi, ne serait-ce qu'en raison du peu de documents
d'archives disponibles. Cinq journaux du temps, notamment La
Presse et le Montreal Daily Star, ont donc constitué
pour lui une source d'information de premier ordre.
La première démonstration publique d'une partie
de hockey a lieu le 3 mars 1875 à la patinoire Victoria.
Les joueurs font tous partie de la bourgeoisie anglophone. L'un
d'eux est James George Aylwin Creighton. Deux ou trois ans auparavant,
il quittait sa ville natale de Halifax, en Nouvelle-Écosse,
emportant avec lui le souvenir d'un jeu disputé sur une
surface glacée avec un bâton, une balle et des patins.
À Montréal, ce jeu se voit transformé par
des emprunts au rugby et à la crosse (contacts physiques,
gardien de but, passe avant interdite, etc.).
"La rondelle n'a pas été introduite avant 1881,
rappelle Michel Vigneault. Auparavant, on utilisait une balle
ronde qui rebondissait, puis une rondelle carrée qu'il
fallait frapper à plat pour obtenir un bon effet."
Les patins ne sont pas, eux non plus, tout à fait au point
puisqu'on ne faisait qu'ajuster des lames de métal à
des bottines à l'aide de courroies de cuir, de ressorts
ou de lacets. Dès cette époque, une partie de hockey
dure 60 minutes, soit deux demies de 30 minutes chacune. Seulement
une poignée de joueurs forment une équipe. Ils sont
sept à compter de 1883. Avant 1912, on n'autorise aucune
substitution en cours de match.
En 1887, on assiste à la mise sur pied d'une première
ligue organisée. Elle regroupe les villes de Montréal,
Québec et Ottawa. À cette époque, la popularité
du hockey se répand rapidement à l'ensemble du Canada
grâce aux étudiants des autres provinces inscrits
à l'Université McGill. La coupe Stanley est introduite
en 1893, reflétant ainsi la popularité grandissante
de ce sport. La presse n'est pas étrangère à
cet engouement. Les journaux de langue anglaise ont une page sportive
dès les années 1880 suivis, en cela, par les journaux
de langue française vers 1895. Des dessins d'artistes accompagnent
le compte rendu (alignements et pointage) des parties disputées
la veille.
Du Montagnard au Canadien
Les Canadiens français font leurs premiers pas dans
ce sport à la fin du siècle. Des étudiants
de collèges classiques de Montréal suivent l'exemple
de leurs confrères irlandais qui possèdent déjà
leur équipe, les Shamrocks. En 1901, deux formations francophones
retiennent l'attention: le Montagnard et le National. Éventuellement,
ces deux équipes céderont la place au Canadien qui
remportera la première de ses 24 coupes Stanley en 1916.
Au début du 20e siècle, la saison de hockey dure
environ trois mois, soit du temps des Fêtes jusqu'à
la fin mars. On dispute une partie par semaine, toujours le samedi
soir. Jusqu'en 1906, toutes les équipes de hockey canadiennes
sont formées de joueurs amateurs, c'est-à-dire qui
pratiquent ce sport de façon bénévole, sans
rémunération et uniquement pour le plaisir. Mais
le hockey se démocratise et se professionnalise peu à
peu face à un nombre grandissant de joueurs et d'équipes.
Dans les années 1910, ce sport assure un bon revenu d'appoint
à ses adeptes. "À cette époque, indique
Michel Vigneault, un athlète doué comme le hockeyeur
Newsy Lalonde, également un très bon joueur de crosse,
pratique les deux sports et empoche quelque 10 000 $ par an."
La période couverte par la thèse se termine au moment
de la fondation de la Ligue nationale de hockey. Les équipes
montréalaises, très performantes jusque-là,
poursuivront, comme on le sait, la tradition.
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