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26 avril 2001 ![]() |
Un nouveau groupe, Les fermières obsédées,
formé de quatre étudiantes de l'École des
arts visuels qui n'ont pas froid aux yeux, vient de faire son
entrée dans le monde de la performance. Annie Baillargeon,
Mélissa Charest, Eugénie Cliche et Catherine Plaisance
ont décidé de se réunir pour donner plus
d'impact à leurs productions, mais, surtout, pour partager
leur amour - voire leur obsession - des tissus, de la couture,
de la mise en scène, des déguisements et du kitsch.
Vouées corps et âme à leur art, elles mettent
sur pied des performances qui intègrent chacun de ces éléments.
Le résultat: des prestations insolites qui se veulent à
la fois un éloge et un questionnement du culte de la beauté.
Ces jeunes artistes font revivre une vieille tradition, celle
des fermières d'autrefois qui se réunissaient régulièrement,
en cercles, pour passer le temps en faisant notamment de la couture
et de la broderie. Mais cette tradition, elles se l'approprient,
la modernisent et la transgressent afin de l'inscrire dans leur
discipline. "Comme nous étudions toutes les quatre
en arts visuels, nous devons créer des projets qui attirent
le regard, qui sont très axés sur des éléments
visuels, fait remarquer Eugénie Cliche. Oui, on coud et
brode ensemble, mais on construit aussi des mises en scène
qui englobent nos oeuvres collectives. Le tout prend la forme de
performances dans lesquelles la couture ne constitue que le fil
conducteur, et non une fin en soi."
À l'occasion de la dernière Vitrine étudiante
de la CADEUL, qui se tenait récemment au pavillon Alphonse-Desjardins,
Les fermières obsédées ont donné un
aperçu de leur savoir-faire en présentant une performance
s'apparentant à un tableau vivant. Vêtues d'une robe
de soirée jaune ou blanche, de souliers à talon
haut de couleur or ou argent, coiffées de perruques, elles
se sont cousues ensemble tout en tournant en rond, suivant le
mouvement d'une bobine de fil. Une démonstration exécutée
au son du claquement de leurs talons et de la musique du groupe
Galopping Finger qui s'échappait d'un vieux tourne-disque.
"Cet acharnement à répéter sans cesse
les mêmes gestes frôlait drôlement la folie,
l'obsession maladive, explique Annie Baillargeon. Par ailleurs,
lorsqu'on est totalement absorbé par notre travail, on
se perd un peu, on délaisse notre propre identité
au profit de celle du groupe."
Le maniérisme à l'honneur
Le créneau de ces fermières nouveau genre: le
tape-à-l'oeil, le kitsch, le rose bonbon, les dentelles,
les déguisements et les décors excentriques, voire
absurdes. Leur obsession: les détails, l'harmonie, l'équilibre,
l'élégance et la beauté. "Dans nos performances,
rien n'est laissé au hasard, affirme Mélissa Charest.
Tous les tissus, les couleurs, le maquillage, les accessoires
sont choisis en fonction de l'effet qu'ils créent sur l'ensemble.
On s'assure aussi que nos mises en scène soient à
la fois extravagantes et parfaitement harmonieuses." Passées
au peigne fin, leurs performances laissent donc transparaître
le maniérisme qu'engendre la course folle à la perfection,
à la beauté absolue.
Cette quête de raffinement technique et de mise en évidence
de l'artifice, ce goût de l'exagération et de la
recherche d'effets de style qui caractérisent leur travail,
débouchent sur des performances d'où se dégage
un climat étrange, voire inquiétant, qui attire
et repousse à la fois les spectateurs, comme le souligne
Catherine Plaisance: "Avec notre air guindé, dans
nos vêtements trop parfaits, nous installons une coupure
entre nous et les spectateurs. Nous devenons des objets de luxe
que les spectateurs éblouis regardent à travers
une vitrine."
L'ambition des Fermières obsédées est à
la mesure de leur talent. Leur cerveau bouillonne, mille et un
projets trottent dans leurs têtes: création d'objets
promotionnels, performances lors d'expositions, installations
dans des lieux publics, intégration de la vidéo.
Rien ne semble pouvoir les arrêter. Elles visent même
la notoriété et souhaitent atteindre le statut de
vedettes, une situation plutôt rare dans le milieu des arts
visuels. Surveilllez bien Les Fermières obsédées
au cours des mois à venir.
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