19 avril 2001 |
Dans le but de confronter les étudiants à des pratiques artistiques innovatrices issues d'une autre culture, la Galerie des arts visuels a invité des artistes thaïlandais reconnus à travers le monde pour l'originalité de leurs installations. De passage pour la première fois au Canada, Sutee Kunavichayanont, professeur à l'Université Silpakorn à Bangkok et Nuts Society, un collectif d'artistes, partagent dans "Baby Elephants" et "Writing Thaï: A Learning Reform", leurs inquiétudes face à la disparition des symboles, des emblèmes et des valeurs propres à la tradition thaï. Ces expositions, qui se poursuivent jusqu'au 22 avril, sollicitent la participation active du public.
Moulages symboliques
Alimenté par le désir de conscientiser les gens
à la destruction de la faune et au déclin de la
culture thaï, Sutee Kunavichayanont crée des sculptures
gonflables, grandeur nature, en forme d'espèces animales
en voie d'extinction. Depuis 1997, il a notamment moulé
en latex des tigres, des mouflons et des éléphants,
autant d'animaux possédant une valeur symbolique dans sa
culture. Dans "Baby Elephant", il présente cinq
éléphanteaux de différentes couleurs référant
à celles utilisées dans les peintures murales traditionnelles
en Thaïlande.
Bien entendu, Sutee Kunavichayanont ne se sert pas de véritables
animaux comme support pour ses moulages, mais plutôt de
leur carcasse. "J'ai visité plusieurs sites anciens
et sanctuaires de la région de Sukhothai, dans le nord
de la Thaïlande, dit-il. J'y ai vu des débris d'éléphants
en stuc, des têtes et des troncs, que quelqu'un avait tenté
d'assembler comme pour leur donner une nouvelle vie. Ça
m'a rappelé ces restaurants où l'on dispose, dans
les assiettes, des morceaux de poulet, de canard et de porc dans
des positions adoptées par l'animal vivant."
Par ailleurs, pour donner vie à ces sculptures, la participation
du public est requise. Dans un geste hautement métaphorique,
les spectateurs sont en effet invités à gonfler,
comme un ballon, les bébés éléphants,
afin qu'ils prennent forme. "Ce processus d'inspiration et
d'expiration est rattaché au concept de la respiration
divine, l'air vital "prana" dans la religion hindou-bouddhiste,
explique Ginette Bouchard, la responsable de ces expositions.
Par cet exercice, Sutee Kunavichayanont cherche à partager
avec le public son inquiétude face au constat de fragilité,
voire de disparition de sa culture, dû notamment à
l'urbanisation et l'industrialisation rapides de la Thaïlande:
résultat de la mondialisation."
Marketing moral
Créé en 1998, Nuts Society livre un propos semblable
à celui de Sutee Kunavichayanont, mais utilise une tout
autre stratégie, soit de l'ordre de la publicité.
Leurs installations, habituellement conçues pour des lieux
publics, sont en effet constituées pour l'essentiel de
signes graphiques: slogans, noms de marques ou de simples mots
en lien avec des proverbes bouddhistes. "Les artistes de
ce groupe constatent que les valeurs traditionnelles de leur pays
tombent en décrépitude, fait valoir Ginette Bouchard.
Ils s'en inquiètent et veulent interpeller les gens en
passant des messages d'ordre moral. Par l'emploi d'affiches publicitaires,
de cartes postales ou d'étiquettes sur des produits commerciaux,
ils souhaitent donc inculquer aux gens une façon de penser
et d'interagir avec l'humanité qui soit plus éthique
et plus morale."
Le projet présenté par Nuts Society à la
galerie invite les spectateurs à se pencher sur des exercices
de base de l'écriture traditionnelle thaïlandaise.
Cet apprentissage se fait à l'aide d'un CD-ROM et de 43
panneaux explicatifs. "On peut voir dans cette activité
une tentative de communiquer avec cette société,
mais aussi un moyen de prendre conscience de notre responsabilité
sociale en tant que membre de la collectivité mondiale",
estime Ginette Bouchard.
Il reste quatre jours pour voir cette exposition interactive à
la Galerie des arts visuels, située au 255, boul. Charest
Est et ouverte du mercredi au vendredi de 9 h 30 à 16 h,
et les samedis et dimanches de 13 h à 17 h.
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