19 avril 2001 |
Il y a quelques semaines à l'Université Laval, l'archéologue-consultant Richard Fiset a soutenu sa thèse de doctorat en ethnologie de l'Amérique française, archéologie industrielle, sur les brasseries et distilleries à Québec entre 1620 et 1900. "Ma thèse donne un portrait plus précis de la situation, dit-il. Elle permet de voir que les choses changeaient vite et que les promoteurs d'ici vivaient vraiment le développement technologique avec les influences d'autres pays."
Aux premiers temps de la colonie
Les références les plus anciennes à la
production de bière à Québec remontent à
1620. Cette année-là, la communauté religieuse
des récollets produit ladite boisson tandis que la famille
Hébert a en sa possession "une grande chaudière
à brasserie". Il faut cependant attendre 1670 pour
assister aux débuts de la première - et seule -
brasserie industrielle jamais érigée en Nouvelle-France.
Construite à Québec à l'initiative de l'intendant
Jean Talon, elle fonctionne pendant cinq ans et sa production
annuelle atteint 4 000 barriques.
Après la Conquête de 1760, Québec, alors la
ville la plus populeuse du Canada, attire les premiers entrepreneurs
britanniques en matière de boissons alcoolisées.
Dès les débuts, on voit des brasseurs anglais prendre
la relève des petits producteurs. Colin Drummond érige,
vers 1769 et près de la rivière Saint-Charles, la
première distillerie industrielle pour le rhum. L'entrepreneurship
est remarquable et la fin du 18e siècle voit, entre autres,
la construction d'une distillerie industrielle pour le whisky,
par John Young et ses associés, près de la rivière
Beauport, à Beauport. "Cette distillerie est hors
de proportions par rapport à ce qui se faisait dans la
colonie, explique Richard Fiset. Elle peut se comparer à
des établissements d'Angleterre, entre autres au point
de vue technologique. La machine à vapeur a été
inventée dans ce pays à la même époque.
On la mentionne très tôt dans l'établissement
de Beauport."
Dès le 18e siècle et jusqu'à la fin du 19e
siècle, afin de produire de la façon la plus autonome
possible, on va jusqu'à fabriquer sur place le malt, le
produit de base pour la fabrication de la bière et du whisky.
Selon l'archéologue-consultant, les entreprises de boissons
alcoolisées ont représenté un apport économique
important à la région de Québec. "Déjà
du temps de Jean Talon, dit-il, l'industrie de la bière
a stimulé l'agriculture, compte tenu du volume important
de céréales, comme le houblon et l'orge, qu'elle
achetait. Autour, des commerces satellites se sont aussi développés,
notamment pour la fabrication de tonneaux."
Un marché local dominé par la bière
L'industrie de la bière dans la région de Québec
poursuit sa croissance jusqu'à la fin du 19e siècle.
Les distilleries, elles, disparaissent graduellement. L'histoire
montre une concurrence naissante dans l'industrie de la bière
dès 1800, notamment avec la St. Roc Brewery qui souffrit
probablement de la construction d'une autre très grande
entreprise, la Cape Diamond Brewery. Un demi-siècle plus
tard, soit en 1847, le marché local est saturé et
les plus petits établissements ont fermé leurs portes.
On voit désormais les principaux brasseurs de Québec
protéger ce marché par une série d'ententes
qui, entre autres, fixent le prix de la bière.
Au cours de ce siècle naissent de vastes complexes industriels
voués à la production de la bière. À
Québec, Joseph Knight Boswell possède à lui
seul une douzaine de bâtiments. En 1902, la brasserie Boswell
produit plus de 655 000 gallons de bière. La région
de la Vieille Capitale produit 1,5 million de gallons cette année-là,
soit environ le quart de toute la production du Québec.
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