19 avril 2001 |
"Bien que l'association des arbres et des cultures soit
une pratique très ancienne, la spécialisation de
l'agriculture et de la foresterie les a fait apparaître,
au cours des dernières décennies, comme des domaines
complètement séparés. Pourtant, l'agriculture
peut bénéficier de la présence de l'arbre
et la forêt ne comporte pas que du bois!" Cette réflexion
du professeur Alain Olivier, du Département de phytologie,
a été la bougie d'allumage qui l'a poussé
à organiser le "Colloque sur l'agroforesterie au Québec,
pratiques actuelles et perspectives d'avenir", présenté
sur le campus le 9 avril.
Plus de 200 participants provenant du Québec, de l'Ontario
et des États du Nord-Est américain ont convergé
vers le pavillon Alphonse-Desjardins pour discuter champignons,
cultures intercalaires, brise-vent, bandes riveraines, espèces
fruitières indigènes et plantes médicinales.
Des chercheurs du Centre de recherche en biologie forestière
(CRBF) ont profité de l'occasion pour faire connaître
les travaux qu'ils mènent présentement en vue de
marier la sylve et l'assiette.
Vertes aspirations
Les peupliers hybrides pourraient-il constituer la solution
au problème de la pollution diffuse des cours d'eau en
milieu agricole? Peut-être pas l'unique solution, mais au
moins une partie significative, croient Julie Samson et Yves Piché
du CRBF. Ces arbres, qui vivent en symbiose avec des champignons
microscopiques fixés sur leurs racines, possèdent
d'étonnantes caractéristiques qui en font des barrières
vertes, capables d'aspirer les nitrates, le phosphore, les pesticides,
les sédiments et les bactéries qui proviennent des
champs agricoles et qui sont délavés par les eaux
de ruissellement. Autant de produits polluants qui ne se retrouvent
pas dans les cours d'eau.
"Le peuplier deltoïde, une espèce indigène,
peut fixer annuellement jusqu'à 100 kilogrammes de nitrates
par hectare. Les peupliers hybrides, eux, peuvent en fixer jusqu'à
360!, signale Julie Samson. Certains de ces hybrides ont même
la capacité d'absorber des herbicides comme l'atrazine
et de les métaboliser en molécules inoffensives."
Depuis le printemps 1999, les chercheurs du CRBF testent différents
hybrides d'espèces indigènes et d'espèces
exotiques sur la ferme expérimentale de Deschambault. "Certains
hybrides très productifs ont une croissance qui peut atteindre
deux mètres par année", souligne Julie Samson.
Longtemps snobés par les producteurs forestiers qui leur
préféraient les essences nobles et les résineux,
les peupliers ont pris du galon économique depuis qu'on
les utilise pour le bois de pâte et les panneaux. Les revenus
qui pourraient être tirés d'une bande tampon sont
importants pour compenser la superficie perdue en culture et pour
éponger les coûts d'installation et d'entretien de
la bande qui peuvent atteindre 2000 dollars par hectare pendant
les trois premières années. "Cet investissement
représente un obstacle important, reconnaît Julie
Samson, mais, par contre, on ne peut éternellement exercer
des pressions sur l'environnement sans en payer le prix."
La manne blanche
Il y a des millions de dollars qui poussent et qui pourrissent
chaque année dans les sous-bois des forêts québécoises.
Selon une étude réalisée en 1995, les quelque
60 000 hectares de jeunes pinèdes retrouvés à
proximité des routes du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la
Haute-Côte-Nord produiraient annuellement 600 tonnes de
champignons comestibles, ce qui représente une valeur commerciale
de 18 millions de dollars, soit 300 dollars par hectare. "Les
propriétaires de lots boisés pourraient faire encore
mieux en plantant, sur leurs terres, des arbres inoculés
avec les espèces de champignons qu'ils souhaitent récolter,
plutôt que d'espérer que ces champignons y poussent
naturellement", estime Andrew Coughlan du CRBF.
Ce chercheur et Yves Piché étudient présentement
l'inoculation de plants de noisetiers et de chênes avec
une espèce de champignon produisant des truffes. Le projet,
mené avec la collaboration d'une entreprise privée,
vise le marché de l'exportation ou la production en serres.
"Le climat du Québec n'est pas propice à la
croissance des truffes, mais s'il y avait une demande, il serait
possible de faire la même chose pour des espèces
de champignons indigènes qui poussent sur des arbres indigènes.
Il y a un intérêt grandissant pour les champignons
sauvages comestibles, le marché est là et nous possédons
l'expertise pour produire des plants inoculés. C'est le
temps. La récolte de champignons permettrait aux propriétaires
de lots boisés d'augmenter la diversité de leurs
produits et d'obtenir des revenus supplémentaires très
intéressants."
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