5 avril 2001 |
La chasse printanière gifle la population de grandes oies des neiges sur les deux joues. Non seulement diminue-t-elle directement
les effectifs de cette espèce par la bouche des fusils,
mais elle réduit aussi la fécondité des
oies qui survivent. C'est ce que démontrent les résultats
d'une étude qu'une équipe du Département
de biologie rendra publique demain (6 avril), lors de la 10e Conférence
nord-américaine sur les oies de l'Arctique. Cette rencontre
scientifique réunit quelque 150 spécialistes américains,
européens et asiatiques, à l'Hôtel Hilton
Québec du 3 au 7 avril.
Julien Mainguy, Joël Bêty, Gilles Gauthier et leur
collègue de l'UQAM Jean-François Giroux ont découvert
qu'en 1999 et en 2000, deux années avec chasse printanière,
toutes les mesures de condition physique des oies étaient
à la baisse par rapport aux années antérieures.
Au moment de la ponte, sur l'Île Bylot, les femelles pesaient,
en moyenne, 300 g de moins, soit une diminution de l'ordre de
10 %. Le poids de leurs graisses abdominales et celui de leurs
muscles pectoraux avaient diminué de 30 % et de 11 % respectivement.
Chez l'oie des neiges, les réserves nutritives accumulées
au printemps sur les aires de nourrissage dans la vallée
du Saint-Laurent influencent directement le nombre d'oeufs pondus
par les femelles. Les chercheurs ont noté que les oies
produisaient, en moyenne, 1,4 oeuf de moins lors des années
avec chasse printanière. Par ailleurs, le suivi de femelles
munies de collier émetteur a montré que, en 1999-2000,
seulement 27 % de celles-ci complétaient leur migration
vers l'Île Bylot et qu'à peine 9 % nichaient. Ces
chiffres atteignaient respectivement 85 % et 56 % lors des années
antérieures. L'explication la plus plausible, selon les
chercheurs, est que le dérangement occasionné par
la chasse printanière force les oies à entreprendre
leur périple vers l'Arctique avec moins de réserves
nutritives. Conséquence: le succès reproducteur
baisse, ce qui contribue à diminuer davantage les effectifs.
Depuis son instauration en 1999, la chasse printanière
a eu des effets qui ont dépassé les prévisions
des experts. La croissance de la population d'oies des neiges
a non seulement été jugulée, mais les données
indiquent un déclin des effectifs. "Il y avait environ
835 000 oies en 1999 et il y en a maintenant 800 000", signale
Gilles Gauthier. L'automne dernier, Gilles Gauthier et Jean-François
Giroux ont signé un rapport qui révèle que
le nombre d'oies abattues lors des deux premières saisons
de chasse printanière a atteint, au total, près
de 100 000. "Avec les taux de prélèvement actuels,
la population d'oies va décliner et l'on pourrait connaître,
à moyen terme, une réduction des opportunités
de chasse et une baisse du succès de chasse", estime
Gilles Gauthier.
Si l'objectif de la chasse printanière était de
stabiliser la population d'oies, on aurait pu la ralentir ou même
la fermer dès cette année, avance le chercheur.
Le Service canadien de la faune a plutôt choisi de maintenir,
cette année encore, "son projet pilote de la récolte
de conservation printanière de la grande oie des neiges"
et même d'ouvrir cette chasse deux semaines plus tôt
qu'en 1999 et en 2000.
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