5 avril 2001 |
Des oiseaux forestiers et des mammifères le démontrent
dans leur comportement: la norme gouvernementale de protection
générale qui oblige les industriels de la forêt
à laisser des lisières boisées riveraines
de 20 mètres de largeur, à la suite d'une coupe
forestière, le long des cours d'eau et plans d'eau, n'assure
pas le maintien de la biodiversité. En conséquence,
il convient de bannir cette norme et d'envisager un mode de diversification
des largeurs de lisières.
Voilà l'essentiel de la communication qu'a livrée
Marcel Darveau, attaché de recherche au Centre de recherche
en biologie forestière de l'Université Laval, le
lundi 19 mars, lors de la Journée colloque Produits forestiers
Alliance. L'événement avait pour thème "Bandes
riveraines: un milieu à revoir?". Il s'est déroulé
au pavillon Alphonse-Desjardins dans le cadre de la Semaine des
sciences forestières.
Le chercheur a fait part des résultats de deux études
consacrées aux impacts des bandes riveraines sur la faune
terrestre. Ces recherches ont été effectuées
par des équipes de Laval dans différents types de
lisières (20, 40, 60 mètres, etc.) situées
dans deux secteurs: la sapinière à bouleau blanc
de la forêt Montmorency, au nord de Québec, et la
pessière noire à mousses, au nord du lac Saint-Jean.
La sapinière à bouleau blanc
L'étude menée à la forêt Montmorency
de 1988 à 1996 a permis d'observer 59 espèces d'oiseaux.
Première constatation: certaines espèces évitent
les bandes riveraines de 20 et 40 mètres parce qu'elles
sont trop étroites. Selon Marcel Darveau, la mésange
à tête brune, la sittelle à poitrine rousse
et le tétras du Canada ont préféré
les lisières plus larges tandis que le bruant à
gorge blanche et le junco ardoisé, des espèces généralistes,
se sont installés dans les lisières plus étroites
au point de devenir plus nombreux que les espèces typiques
des forêts riveraines matures. Le chercheur se dit davantage
inquiet du nombre de couples de mésanges et de sittelles
qui ont élu résidence dans les bandes riveraines
et qui se sont reproduits. "Nous n'avons eu aucun couple
dans les bandes de 20 et 40 mètres qui a passé un
printemps complet au cours des sept années de l'étude",
indique-t-il.
Les chercheurs ont aussi observé le comportement de petits
mammifères tels que souris, campagnols, musaraignes et
écureuils. Quatre à cinq jours de piégeage
en août durant quatre années ont permis de capturer
2 901 individus. Principal résultat: le campagnol à
dos roux de Gapper, une espèce qui en temps normal évite
le milieu riverain, s'est vu contraint de quitter les zones ayant
fait l'objet d'une coupe forestière et de se réfugier
dans les lisières boisées riveraines, même
celles de 20 mètres.
La pessière noire à mousses
La recherche effectuée sur les oiseaux terrestres du
nord du lac Saint-Jean a duré de 1996 à 1999. Les
densités de populations sont apparues supérieures
pour les oiseaux migrateurs de courte distance, acceptables pour
les oiseaux résidants et inquiétantes pour les oiseaux
migrateurs néotropicaux. "Les témoins, des
massifs d'au moins cinq kilomètres carrés, ont en
général des densités de populations trois
à quatre fois plus grandes que les lisières de 60
mètres", précise Marcel Darveau.
La paruline à poitrine baie est un oiseau migrateur néotropical.
Dans les témoins, sa population est restée stable
au cours des trois années de l'étude. Dans les séparateurs
non riverains de 60 mètres de largeur, cette espèce
a cependant accusé une baisse de population immédiatement
après la coupe. Dès la deuxième année,
elle avait disparu. Le même sort attendait ces oiseaux dans
les séparateurs riverains, mais seulement dans la troisième
année. "On peut en conclure que même une lisière
de 60 mètres ne serait peut-être pas suffisante pour
cette espèce", avance le chercheur.
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