5 avril 2001 |
L'essor de la langue française au Québec passe
par une approche globale qui intègre notamment la culture
et l'éducation. Il faut reconnaître le caractère
multiculturel de notre société ainsi que le statut
particulier qu'y a la langue anglaise. Enfin, le Québec
doit étendre sa diplomatie linguistique à l'ensemble
des pays francophones.
Voilà quelques-uns des propos tenus par Guy Laforest, professeur
au Département de science politique, le mercredi 28 mars
au pavillon Charles-De Koninck, lors d'une conférence sur
l'avenir de la langue française au Québec. La rencontre
était organisée par l'Association des militants
de l'Action démocratique de l'Université Laval,
un parti dont la commission politique est présidée
par Guy Laforest.
Plus d'argent et de rigueur
Selon Guy Laforest, aucun des gouvernements québécois
à s'être succédés depuis 1960 n'a saisi
le lien extrêmement fort qui existe entre la qualité
de la langue et la vitalité culturelle et ce, malgré
les prises de position d'intellectuels de premier plan tels André
Laurendeau, Fernand Dumont et Charles Taylor. Pour corriger cet
état de fait, le gouvernement du Québec aurait avantage
à investir davantage dans les programmes culturels.
L'enseignement du français langue maternelle aurait, lui
aussi, besoin d'un solide coup de barre. "S'il y a un endroit
dans les Amériques où la rigueur devrait être
le premier principe de l'enseignement de la langue maternelle,
c'est bien au Québec, affirme Guy Laforest. André
Laurendeau disait qu'en ce domaine nous sommes conviés
à l'excellence, et nous allons le rester."
Un "nous" tricoté serré
Guy Laforest soutient que le gouvernement du Parti québécois
n'a pas fait tous ses devoirs en matière linguistique depuis
la défaite référendaire de 1995. Il explique
cela par ce qu'il appelle "le talon d'Achille" du PQ,
soit une absence d'élargissement du cercle de la communauté
politique. "Je pense, dit-il, que la phrase la plus épouvantable
du discours de Jacques Parizeau le soir du référendum
-"Les trois cinquièmes de ce que nous sommes ont voté
oui"-, hante le Parti québécois comme parti
politique."
Guy Laforest croit que le temps est venu de moderniser la Loi
101 qui a fait du français la langue officielle du Québec
il y a plus de 20 ans. Cette modernisation doit réaffirmer
la prédominance du français, mais tout en accordant
un statut particulier à l'anglais. "L'anglais est
présent, entre autres, dans l'espace public, l'espace judiciaire
et les commissions scolaires, précise-t-il. Il est donc
irréaliste de considérer qu'il doive avoir le même
statut que les autres langues minoritaires, comme le portugais
ou l'italien. Cette vision des choses reflète un certain
idéalisme péquiste qui équivaut, sur le plan
des principes, à l'idéalisme trudeauiste canadien."
Même si les politiques linguistiques du Québec ont
mauvaise presse à travers le monde, le professeur Laforest
les croit défendables au plan de la philosophie politique.
Il rappelle par ailleurs que le français est parlé
par quelque 175 millions de personnes et qu'il a une vocation
universelle. "Jusqu'à maintenant, ajoute-t-il, le
Québec a pas mal mis toutes ses billes du côté
de la France pour des raisons politiques. Tout en consolidant
ses rapports bilatéraux avec ce pays, le Québec
devrait désormais militer en faveur d'une francophonie
multipolaire."
Guy Laforest estime que le combat pour vivre la modernité
en français dans les Amériques n'est pas terminé.
"Nos dirigeants ont un devoir de vigilance en matière
linguistique, dit-il. Les circonstances permettent un optimisme
prudent sur fond de mesure."
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