29 mars 2001 |
Il serait tout à fait de mise que le professeur Denis
Rodrigue, du Département de génie chimique, s'ouvre
une bonne bouteille de champagne. En effet, le chercheur du Centre
de recherche en sciences et ingénierie des macromolécules
vient de récolter les fruits de plusieurs années
de travail en publiant, dans l'American Institute of Chemical
Engineers Journal, son "modèle généralisé
du mouvement des bulles". "C'est le modèle le
plus complet qui existe présentement pour prédire
la vitesse des bulles dans un liquide donné, en fonction
de leur diamètre et de leur forme, explique le chercheur.
Il existait d'autres modèles pour calculer cette vitesse,
mais aucun autre n'est valable pour une aussi vaste gamme de conditions."
Pourquoi donc étudier le mouvement des bulles? "Beaucoup
de procédés industriels, notamment la distillation,
l'extraction, l'absorption, l'adsorption, la fermentation, l'aération
des systèmes, l'épuration des eaux et le désencrage
du papier, font intervenir des bulles, répond-il tout bonnement.
La forme, le diamètre et la vitesse des bulles influencent
les échanges entre le gaz qu'elles contiennent et le liquide
dans lequel on les libère. Un concepteur de système
doit établir la grosseur et le nombre de bulles qui permettront
d'optimiser ces échanges. C'est là que mon modèle
peut servir."
Dans la mélasse
L'hydrodynamique des bulles constitue un domaine encore largement
méconnu en dépit du fait que des chercheurs s'y
intéressent depuis 1850. C'est d'ailleurs en colligeant
les données expérimentales publiées depuis
cent ans et à partir de ses propres travaux que Denis Rodrigue
a amassé suffisamment d'information pour édifier
son modèle. "J'ai dû consulter les archives
de certaines revues scientifiques pour mettre la main sur les
données brutes que les chercheurs fournissaient autrefois
avec les manuscrits qu'ils soumettaient pour publication."
Sa banque de données, sans doute la plus vaste au monde
sur le sujet, contient des statistiques sur la vitesse des bulles
dans toutes sortes d'environnement - eau, mélasse, huile
d'olive, sirop de maïs, éthanol, vinaigre, eau purifiée,
etc. - et à différentes températures.
"Présentement, la mode est aux simulations numériques
informatisées, signale le chercheur. Mais, pour en arriver
à un bon modèle, il faut d'abord des données
empiriques récoltées en laboratoire. Il s'agit cependant
d'un travail long et fastidieux." Encore aujourd'hui, le
calcul de la vitesse des bulles a conservé un caractère
artisanal. À l'aide d'une microseringue, l'expérimentateur
injecte un gaz dans une colonne rempli de liquide et il chronomètre,
à l'oeil, la vitesse de chaque bulle à mesure qu'elle
s'élève. Il mesure ensuite le diamètre de
la bulle à l'aide de photos prises par caméra numérique.
"En une journée de travail, on obtient des données
sur une centaine de bulles tout au plus", estime-t-il.
Le modèle qu'il a élaboré permet de prédire,
avec une précision de 20 %, la vitesse d'une bulle dans
n'importe quel environnement liquide, peu importe sa viscosité.
"Compte tenu du fait que le modèle couvre une très
vaste gamme de conditions et compte tenu des besoins des concepteurs
de systèmes, c'est un niveau de précision excellent,
juge Denis Rodrigue. En fait, c'est le meilleur modèle
disponible pour le moment".
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