![]() |
22 mars 2001 ![]() |
Des chercheurs de la Faculté de médecine viennent
de démontrer que les lotions solaires protègent
efficacement la peau humaine contre les bris d'ADN et la formation
de produits mutagènes qui peuvent conduire au cancer de
la peau. Évident, pensez-vous? Pas si on considère
quelques-uns des titres, parfois contradictoires, publiés
dans les quotidiens depuis trois ans: "Les enfants utilisant
une crème solaire courent moins de risques d'être
atteints d'un cancer" (La Presse, 14 juin 2000), "Les
crèmes solaires accroissent les risques de cancer de la
peau" (La Presse, 4 août 1999), "La crème
solaire protège des coups de soleil, mais pas du cancer
de la peau" (Le Droit, 12 mai 1999), "Des crèmes
solaires, causes du cancer de la peau" (La Presse, 14 mai
1998). À se demander quoi faire de sa peau!
La dernière étude de Vickram Bissonauth, Régen
Drouin, David Mitchell (University of Texas), Marc Rhainds, Joël
Claveau et Mahmoud Rouabhia, publiée dans la revue scientifique
Clinical Cancer Research, jette un peu de lumière
sur ce controversé sujet et s'inscrit en faux par rapport
aux travaux qui avaient porté ombrage aux crèmes
solaires. Les chercheurs ont exposé des échantillons
de peau humaine cultivée en laboratoire aux rayons d'un
simulateur solaire laissant filtrer les mêmes quantités
d'ultraviolets (UV) que l'atmosphère terrestre. Il s'agit
du dispositif expérimental qui se rapproche le plus de
la situation vécue par les personnes qui s'exposent au
soleil, sans toutefois poser de problème sur le plan de
l'éthique de la recherche.
Les échantillons de peau laissés sans protection
ont vite montré des signes de désorganisation et
de bris tissulaires. À l'opposé, les échantillons
de peau enduits de lotion solaire de facteur 30, bloquant les
UV de type A et B, résistaient mieux aux dommages structuraux
habituellement engendrés par le rayonnement ultraviolet.
Cet écran réduisait de moitié la formation
de produits mutagènes dans les tissus cutanés et
diminuait, par un facteur trois, l'incidence des bris d'ADN dans
les cellules de la peau.
"On savait que les crèmes solaires protégeaient
efficacement contre les coups de soleil, dit Régen Drouin
On vient maintenant de prouver qu'elles réduisent significativement
les dommages aux tissus cutanés et à l'ADN. Comme
ces dommages conduisent au cancer de la peau, on peut logiquement
croire que les crèmes solaires pourraient protéger
contre ce type de cancer."
La démonstration directe reste cependant à faire,
poursuit le chercheur. D'ici là, conseille-t-il, il serait
sage d'utiliser une crème solaire bloquant les deux types
d'UV. Les crèmes qui ne stoppent que les UV de type B préviennent
les coups de soleil, mais elles laissent passer des doses massives
d'UV de type A, qui peuvent causer des cancers. D'ailleurs, les
dommages causés à l'ADN commencent bien avant l'apparition
des coups de soleil. "Même lorsqu'on utilise une lotion
qui bloque les deux types d'UV, il vaut mieux éviter de
s'exposer indûment au soleil", note Régen Drouin.
En dépit du fait que les études qui démontrent
les effets néfastes de l'exposition au rayonnement ultraviolet
s'accumulent, le nombre "d'adorateurs du soleil" continue
d'augmenter, signalent les chercheurs de la Faculté de
médecine. Au Canada, l'incidence du cancer de la peau augmente
de 2% par année. Environ 50 000 nouveaux cas de cancer
de la peau sont diagnostiqués chaque année au pays.
Même si les gens se montrent maintenant plus prudents, il
faudra un certain temps avant que les statistiques n'en témoignent:
la période de latence entre l'exposition aux UV et l'apparition
d'un cancer pourrait durer entre 20 et 30 ans.
![]() |