15 mars 2001 |
Du point de vue des anthropologues, la mondialisation est un
phénomène pas si nouveau que cela, que l'on peut
aborder de différentes manières et dont l'ampleur
est considérable en termes de volume, de vitesse et d'espace.
La mondialisation offre aussi la possibilité à l'anthropologie
de développer son potentiel de recherche sur tous les plans,
en convivialité avec d'autres disciplines scientifiques.
Ces idées ont été avancées le mardi
20 février lors d'une "table ronde" réunissant
trois professeurs du Département d'anthropologie. La rencontre
portait sur le rôle de l'anthropologie face à la
problématique de la mondialisation. Elle a eu lieu dans
le cadre de la deuxième édition de la Semaine multiculturelle
en sciences sociales, un événement organisé
par les étudiants et étudiantes en anthropologie.
Un appel à la pondération
Pour Yvan Breton, le concept de mondialisation est un peu
"une fausse nouveauté" au sens où il prévaut
depuis déjà trois ou quatre siècles sur la
planète. Ce fut particulièrement vrai pour les zones
côtières où, pendant longtemps, les échanges
commerciaux ont exposé les populations à d'intenses
contacts interculturels. Selon le professeur, on peut établir
de solides liens entre les notions d'évolution au 19e siècle,
de développement dans les années 1950 et 1960, et
de mondialisation aujourd'hui. "On change un peu de vocabulaire,
explique-t-il, mais c'est toujours le même système.
Nous sommes toujours à l'affût de nouvelles ressources,
de main-d'oeuvre bon marché, etc."
Marie France Labrecque abonde dans le même sens. "Le
néolibéralisme", dit-elle en citant Jean-Claude
St-Onge, auteur de L'imposture néolibérale -
marché, liberté et justice sociale, "consiste
à remplacer les idées d'hier par celles d'avant-hier
et à les présenter comme si c'étaient celles
de demain." Serge Genest rappelle pour sa part que le colonialisme
occidental en Afrique a été un fait de mondialisation.
Il ajoute que ces concepts mondialistes à la mode que sont
le métissage et l'hybridation existent depuis fort longtemps.
Selon Yvan Breton et contrairement à une perception très
répandue, la mondialisation actuelle ne provient pas uniquement
des pays développés de l'hémisphère
Nord. Par exemple, le Japon et les pays asiatiques dominent le
secteur mondial des pêches depuis déjà une
trentaine d'années.
La maquiladora, une créature du néolibéralisme
Marie France Labrecque indique que l'opposition à la
mondialisation est bien engagée. Un des chevaux de bataille
des opposants est les maquiladoras, des usines d'assemblage de
produits électroniques ou de confection, financées
par le capital international, et principalement installées
sur la frontière entre le Mexique et les États-Unis.
"Il est clair, dit-elle, que les maquiladoras, dans les pays
en développement, reposent sur la recherche du profit et
sur l'exploitation."
La mondialisation prend des formes variées. À preuve
ce petit village maya du Yucatán qu'Yvan Breton a d'abord
étudié au début des années 1970, ensuite
au milieu des années 1980. Dans l'intervalle, quelques
postes de télévision avaient ouvert les villageois
sur le monde, bien que peu de choses eussent véritablement
changé dans leur vie de tous les jours. "Un mois avant
ma première visite, raconte le professeur, des Américains
avaient marché sur la Lune. J'en ai donc parlé comme
entrée en matière. J'ai cessé après
qu'ils m'eurent dit que la Lune appartenait à Dieu et qu'ils
me pensaient un peu fou. La deuxième fois, un conflit de
pêche récent a fait dire à mon informateur:
"Ici, c'est comme la guerre Iran-Irak.""
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