15 mars 2001 |
Beaucoup de turbulences, de bruits et d'interpellations de
toutes sortes traversent présentement l'institution universitaire.
Certaines de ses finalités ne vont plus de soi, qu'il s'agisse
de son rôle de service public, de sa fonction critique,
ou de sa contribution au développement culturel et social.
Son défi majeur: faire reconnaître sa pertinence.
Ce point de vue est celui de Céline Saint-Pierre, présidente
du Conseil supérieur de l'éducation. Le jeudi 22
février, elle participait à la quatrième
conférence de la programmation 2000-2001 de la Chaire publique
de l'AELIÉS (Association des étudiantes et des étudiants
de Laval inscrits aux études supérieures). La rencontre
s'est déroulée sur le thème: "L'université
du troisième millénaire: quête du savoir ou
éducation-marchandise?".
Raymond Lemieux, professeur titulaire de sociologie de la religion
et d'histoire du christianisme à la Faculté de théologie
et de sciences religieuses, dénonce, quant à lui,
les contradictions de notre système d'enseignement. Parallèlement
à sa mission d'éducation, ce système doit
répondre à des objectifs de performance et de réussite.
"Il produit de façon massive des savoirs-marchandises,
explique-t-il, qui n'ont de valeur qu'en fonction de leur performance
dans les jeux de concurrence par lesquels chacun fait sa place
dans la lutte sociale." Ce système procure l'illusion
de la toute-puissance à ceux qui réussissent et
donne l'impression de la "toute-impuissance" à
ceux qui échouent.
Pour sa part, Ndèye Fall, directrice du Bureau et représentante
de l'UNESCO au Canada, s'élève contre le fait que
de nombreuses institutions d'enseignement et de recherche se développent
ou se transforment à l'aune du modèle de référence
universitaire américain. "Bien différent des
modèles européens, précise-t-elle, ce modèle
est fondé sur la loi du marché et met l'accent sur
le savoir utile, donc de marchandise."
Une autonomie à réaffirmer
Selon Céline Saint-Pierre, renverser la tendance passerait
notamment par la reconnaissance d'une nécessité
de l'autonomie institutionnelle de l'université. Raymond
Lemieux prône deux positions éthiques. D'abord résister
au fait que l'université soit en train de devenir un lieu
d'entraînement, au sens militaire du terme, qui s'oppose
à toute forme de réflexion. Ensuite, réfléchir
à des lieux d'éducation alternatifs, comme l'art,
ou le sport. Quant à Ndèye Fall, elle soutient qu'il
faut mettre l'accent sur la mission éducative de l'université,
à savoir former des citoyens responsables, engagés
et informés.
Trois grands défis confrontent l'enseignement supérieur,
aux dires de Céline Saint-Pierre. Selon elle, il faut former
des chercheurs capables de prendre acte des demandes sociales
pour un développement humain qui soit durable et équitable.
Il faut considérer que l'enfant d'aujourd'hui sera plus
tard un adulte en demande constante de formation. Enfin, il faut
enrayer l'exode des cerveaux des pays en développement
vers les pays développés.
Ndèye Fall indique que 1,5 million d'universitaires à
travers le monde étudient présentement en dehors
de leurs pays. Environ la moitié d'entre eux sont Chinois.
Aux États-Unis, les frais de scolarité et de séjour
des étudiants étrangers représentent une
manne annuelle de 7 milliards de dollars américains. Selon
la conférencière, ces étudiants représentent
les clés des marchés de demain car, une fois rentrés
chez eux, quand ils rentrent, ils auront toutes les chances de
devenir des décideurs influents.
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