15 mars 2001 |
La mise en place d'un système d'instruction publique
et d'un système de services de santé, tous deux
gratuits et universels, ont constitué, en leur temps, de
grandes victoires sociales. Aujourd'hui, face à la crise
que traverse l'État-providence, nous avons l'occasion,
comme société, d'élargir notre solidarité
en remplaçant intelligemment les programmes qui composent
notre filet de sécurité sociale par une formule
plus équitable: le revenu minimum annuel, garanti et inconditionnel,
pour chaque citoyen et chaque citoyenne.
Telle est la ligne directrice de l'essai intitulé Un
revenu garanti pour tous - introduction aux principes de l'allocation
universelle, paru récemment aux Éditions du
Boréal sous la signature de François Blais, professeur
au Département de science politique de l'Université
Laval. "La solidarité dont il est question dans mon
livre, explique-t-il, repose sur des valeurs d'universalité
et d'égalité des chances afin que chacun ait accès
à une partie de la richesse collective." Le professeur
Blais souligne que notre société a une conception
assez forte de la solidarité selon laquelle il faut aider
ceux et celles qui sont dans le besoin. En même temps, nous
ressentons un malaise éthique à l'idée de
partager la richesse collective, avant que ceux et celles qui
en bénéficieraient soient mal pris.
Des appuis de taille
Il faut remonter aux années 1960 pour voir des économistes
se pencher pour la première fois sur l'idée d'un
revenu de base. Aujourd'hui, des économistes, dont quatre
lauréats du prix Nobel, ainsi que des gens d'affaires,
des syndicalistes, des féministes, des groupes communautaires
et des jeunes appuient ce concept.
En janvier dernier, un certain nombre de hauts fonctionnaires
du gouvernement du Canada se sont dits favorables à une
simplification de la structure du filet de sécurité
sociale. Dans les faits, le gouvernement fédéral
flirte avec l'idée du revenu minimum garanti depuis les
années 1980. En 1998, le Canada comptait plus de cinq millions
de pauvres, soit 17 % de la population. Fait aberrant, environ
la moitié des personnes pauvres est constituée de
gens qui travaillent, mais dont les revenus sont insuffisants.
En clair, une personne seule et rémunérée
au salaire minimum doit travailler en moyenne 50 heures par semaine
pour ne pas être considérée comme pauvre.
Rendre le travail plus attrayant
François Blais croit qu'une allocation universelle
permettrait de rejoindre des catégories de citoyens oubliés
ou mal servis, telles que les femmes qui se consacrent entièrement
à leurs enfants, ceux et celles qui travaillent à
temps partiel ou les jeunes en quête d'expérience
de travail. Dans notre société en mutation, le revenu
de base favoriserait la mobilité entre les périodes
de travail et celles consacrées au retour aux études.
Il mettrait aussi un terme à cette incohérence qui
oblige un bénéficiaire de l'aide sociale à
rembourser à l'État l'équivalent de 100 %
d'un revenu de travail.
Pour démarrer le processus, le professeur Blais propose
une somme modeste de 300 dollars par mois par adulte. Il soutient
qu'il serait possible d'implanter un programme de revenu minimum
garanti à un coût nul pour l'État, grâce
à l'argent consenti aux programmes de soutien existants.
Au fait, pourquoi ne pas plutôt améliorer lesdits
programmes? "L'aide sociale n'a plus aucun avenir, répond
François Blais. L'améliorer aujourd'hui serait la
situer à 650 ou 700 dollars. Si vous faites ça,
vous allez avoir davantage d'assistés sociaux, soit des
travailleurs dont le revenu se situe tout près de celui
d'un assisté social et qui vont dire: "Est-ce que
ça vaut la peine de travailler pour si peu?""
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