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8 mars 2001 ![]() |
Trois chercheurs du Département de chimie annoncent,
dans l'édition du 22 février de la revue scientifique
Nature, qu'ils sont parvenus à produire, par un
procédé original de chimie des surfaces, un matériau
organique qui demeure étonnamment stable jusqu'à
des températures très élevées. Hicham
Oudghiri-Hassani, El Mamoune Zahidi et Peter McBreen, du Centre
de recherche sur les propriétés des interfaces et
la catalyse (CERPIC), ont créé ce matériau
en déposant, sous vide, une couche de molécules
organiques formées de cétones cycliques sur un substrat
solide inorganique, le carbure de molybdène. La réaction
entre les deux composés produit, à la surface du
carbure, une couche de molécules organiques (alkyles insaturés)
exceptionnellement résistante à la chaleur.
En effet, lorsqu'ils ont déterminé la résistance
thermique de ce matériau hybride organique-inorganique,
les chercheurs ont été stupéfaits: la couche
organique demeurait stable jusqu'à environ 900 degrés
Kelvin (627 degrés Celsius). "Nous avons été
très surpris par ce résultat, parce qu'en se basant
sur la littérature existante en science des surfaces, on
croyait que la structure du squelette de molécules organiques,
sur des surfaces de métaux de transition qui sont de bons
catalyseurs, ne résistait pas à des températures
au delà de 600 degrés Kelvin, explique Peter McBreen.
Après coup, on peut expliquer pourquoi ça demeure
stable même à de hautes températures, mais
au départ, rien ne nous permettait d'anticiper ce résultat."
Le côté inattendu de cette découverte, qui
bouleverse les idées reçues en chimie des surfaces,
a convaincu la revue Nature de publier l'article des chercheurs
du CERPIC dans ses pages. Pour Peter McBreen, il s'agit d'une
première publication dans la vénérable et
vénérée revue britannique. Ses réactions?
Il savoure la satisfaction "d'avoir accompli du bon travail
d'équipe" et "d'avoir découvert quelque
chose de vraiment intéressant".
Dans des moteurs?
L'étude publiée dans Nature montre également
que la couche organique produite sur le carbure est "active
pour des réactions de métathèse", l'un
des domaines les plus "à la mode" en chimie de
synthèse. "La couche organique est à la fois
thermiquement stable et chimiquement active, signale Peter McBreen.
On peut donc mettre à profit cette combinaison particulière
de propriétés pour faire croître de minces
couches de molécules organiques de façon contrôlée".
Les trois chercheurs estiment que le procédé qu'ils
ont utilisé pourrait permettre la mise au point d'une panoplie
de matériaux, dont on soupçonne à peine l'étendue.
Ainsi, le matériau qui résulte de la conjugaison
de cétones et de carbure de molybdène possède
des propriétés très intéressantes.
"Vu la dureté du carbure de molybdène et vu
les propriétés thermiques et lubrifiantes de la
couche de surface, on pourrait, par exemple, utiliser ce matériau
pour fabriquer des pièces de moteur qui résisteraient
mieux à l'usure, avance Peter McBreen. On pourrait créer
d'autres carbures à valeur ajoutée, en combinant
les propriétés spécifiques d'une molécule
organique aux propriétés déjà très
intéressantes des carbures" (dureté et conductivité
électrique).
Il faudra sans doute encore plusieurs années de travail
avant de faire passer cette découverte du laboratoire à
l'industrie. Les chercheurs devront démontrer, entre autres,
qu'il est possible de produire ces matériaux dans des conditions
plus contraignantes que celles qui prévalent dans les laboratoires
de recherche. Peter McBreen n'a pas déposé de demande
de brevet pour cette découverte, mais il a l'intention
de le faire pour les utilisations qui en découleront.
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