22 février 2001 |
Pour se prémunir contre les effets potentiellement négatifs
de la concentration médiatique sur la qualité et
la diversité de l'information offerte à la population,
le Québec devra se doter d'un organisme qui sera appelé
à exercer une fonction quasi similaire à celle qu'assume
le CRTC (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications
canadiennes) mais, cette fois, auprès des quotidiens. Cet
organisme, qui existe déjà il s'agit, en l'occurrence,
du Conseil de presse , devra toutefois bénéficier
de ressources supplémentaires et jouir d'une complète
indépendance en ce qui a trait à ses sources de
revenu s'il veut vraiment assurer le fonctionnement démocratique
de ces "indispensables outils d'information que sont les
quotidiens".
C'est le vibrant plaidoyer en faveur d'une "plus grande démocratisation
et d'une plus grande transparence des modes de fonctionnement
des quotidiens" qu'est venu prononcer Jean-Claude Picard,
professeur de journalisme au Département d'information
et de communication, le jeudi 15 février, à l'occasion
des auditions publiques de la Commission de la culture portant
sur Les impacts des mouvements de propriété dans
l'industrie des médias et des télécommunications
sur la qualité, la diversité, la circulation de
l'information et la culture québécoise, qui
avaient lieu dans la Salle du Conseil législatif, à
l'Assemblée nationale.
"La libre circulation de l'information et des opinions et
l'assurance de la diffusion de celles-ci dans toute leur diversité
et leur pluralisme constitue un élément essentiel
de la démocratie, a souligné ce dernier. La présence
ou l'absence de cet élément est d'ailleurs un des
critères fondamentaux pour juger du caractère démocratique
de toute société contemporaine. Ainsi, il importe
que l'ensemble de la société dispose d'un mécanisme
lui offrant certaines garanties minimales quant à la qualité
et à la diversité de ce que lui proposent ses quotidiens.
L'existence de ce mécanisme, déjà souhaitable
en soi, devient encore plus impérieuse en situation de
propriété concentrée où les décisions
d'un groupe d'individus relativement limités peuvent avoir
une influence déterminante sur le contenu d'information
d'un grand nombre de quotidiens."
L'ancien journaliste au quotidien Le Soleil n'a d'ailleurs
pas manqué de rappeler, dans son mémoire, qu'en
acquérant UniMédia récemment, Gesca possédait
aujourd'hui les deux tiers des quotidiens francophones et contrôlait
plus de la moitié du tirage journalier de ceux-ci, tandis
que Quebecor s'appropriait, de son côté, 44 % du
tirage restant.
Pas en vase clos
À la différence du CRTC, l'examen public des
politiques d'information et de gestion des quotidiens auquel procéderait
le nouveau Conseil de presse (aux trois ans ou quand les circonstances
le requerraient) , ne serait associé d'aucune manière
à la délivrance de licences ou de permis, ne donnerait
lieu à aucune réglementation particulière
et ne serait pas confié à un organisme gouvernemental
ou paragouvernemental. Le Conseil serait alors autorisé
à se pencher sur la politique d'information d'un quotidien,
sur le budget détaillé de sa salle de rédaction
et sur l'évolution et le déploiement de ses effectifs
journalistiques.
"En somme, ma proposition vise à ce que l'État
québécois fasse obligation, par des moyens appropriés,
aux propriétaires de quotidiens ou à leurs mandataires,
de soumettre leurs politiques d'information et la gestion de celles-ci
au Conseil de presse selon les modalités que j'ai décrites
précédemment. L'examen de ces politiques et de leur
gestion serait public, et des groupes intéressés
de même que les citoyens pourraient y participer. Par la
suite, les directions de ces quotidiens demeureraient libres d'appliquer
ou non les recommandations auxquelles cet examen pourrait donner
lieu", de résumer Jean-Claude Picard.
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