22 février 2001 |
POUR UNE RÉSISTANCE SIGNIFIANTE À LA MONDIALISATION
Le terme "antimondialisation" se retrouve à la
une des grands journaux, sur les affiches des manifestants, dans
les analyses socio-politiques du mouvement de contestation de
la mondialisation, bref, il prend vie et intrigue beaucoup. Mais
que désigne-t-il? À première vue, nous pourrions
être tenté de croire qu'il signifie un rejet de la
mondialisation. C'est là, d'ailleurs, le sens que lui donne
plusieurs manifestants et journalistes. Ouvrons ici une courte
parenthèse. Si l'on accepte que la mondialisation soit
un phénomène datant d'aussi loin que la diffusion
des religions et l'époque des grandes explorations - ce
qui est d'ailleurs le cas de plusieurs manifestants et de journalistes
-, il apparaît plutôt farfelu, l'instant d'une seconde,
de revendiquer la fin ou le rejet de la mondialisation. Ce serait,
en quelque sorte, procéder à la renonciation de
sa propre expérience humaine. Fin de la parenthèse.
Selon une approche parallèle mais modérée,
le mouvement antimondialisation renvoie parfois à la revendication
d'une mondialisation politique, économique, culturelle,
etc. qui serait balisée, saine et plus humaine. Dans ce
cas-ci, il n'est pas question de rejet, mais plutôt d'adaptation,
de terrain d'entente, de débat, bref, de démocratie.
Et dans cette perspective, la nécessité de repenser
le terme "antimondialisation" s'impose. En fait, rien
de mieux qu'un terme juste pour désigner correctement une
portion du réel. D'autres significations peuvent sans doute
être attribuées au terme "antimondialisation".
Mais celles présentées m'apparaissent les plus fréquentes.
Dans un autre ordre d'idées, autour de la notion d'antimondialisation
comprise comme rejet de la mondialisation "conventionnelle"
plane quelques doutes quant à la qualité de la résistance
qui y est articulée. Et ce, pour plusieurs raisons.
Si les tenants du discours de l'autre mondialisation considèrent
parfois l'univers médiatique comme des outils de "propagande"
au service du capitalisme et orienté vers la désinformation
plutôt que l'information, il n'en demeure pas moins que
certaines revendications, analyses et critiques de la part de
défenseurs de ce nouveau discours mériteraient parfois
des nuances qui ne sont pas toujours apportées. Plus précisément,
si certains condamnent parfois les médias de participer
à la construction de réalités, la situation
semble se produire également dans le discours "antimondialiste".
Il suffit de lire les affiches de quelques manifestants et d'assister
à certaines de leurs réunions pour s'en convaincre.
Ainsi, le renforcement collectif de vérités mensongères
et purement gratuites - par exemple, "les OGM tuent!",
- court le risque de nous conduire vers une sorte de paranoïa
illégitime d'où il devient difficile d'en sortir.
Dans cette perspective, voilà donc pourquoi certains groupes
préfèrent peut-être se tourner vers la diffusion
d'une éducation politique de base afin de mettre en place
les éléments nécessaires à la construction
d'une conscience sociale éclairée. Dans un contexte
où la mode - à tous points de vue - et la facilité
semblent vouloir s'emparer de l'engagement politique et de la
conscience sociale, il semble important d'offrir une telle éducation.
Sinon, la résistance court le risque de devenir une fin
plutôt qu'un moyen.
De plus, en marge des "think-tank" ou des boîtes
à penser comme l'Institut Fraser à Vancouver souvent
critiquées par les tenants de l'antimondialisation semble
se mettre en place, lentement mais sûrement, le même
type d'appareil informationnel du côté du discours
antimondialiste. À leur tour remis en question par les
tenants de la mondialisation, ces nouveaux think-tank contribuent
parfois à faire glisser le débat vers une lutte
de construction de fausses réalités et participent
ainsi, en compagnie des think-tank "officiels", à
produire un glissement de sens du débat concernant la mondialisation.
Parfois justes, parfois douteuses, les conclusions de ces appareils
informationnels présentent souvent les caractéristiques
d'outils de promotions idéologique plutôt que celles
d'outils de connaissances orientés vers l'avancement des
savoirs. Bref, toute cette dynamique risque d'offrir à
nos sociétés d'interminables débats de vérités
mensongères. Ce qui, sans doute, permet de poser l'hypothèse
selon laquelle ce contexte d'obscurité et de complexité
entourant le débat sur la mondialisation expliquerait en
partie le désintérêt de la population pour
la politique observé par plusieurs auteurs depuis quelques
années. Le tout, bien sûr, ne pouvant être
isolé et présenté comme la seule variable
responsable du désintérêt observé.
Les médias, le système d'éducation, etc.,
bref, d'autres variables pouvant bien sûr contribuer à
l'explication de cette observation.
Enfin, une anecdote particulièrement intéressante
me pousse à croire que les fondements d'une résistance
signifiante reposent sur la diffusion d'une éducation politique
et populaire de base afin de rendre possible l'émergence
d'une conscience sociale éclairée et autonome. Imaginez
que vous assistez à une rencontre d'un groupe de militants
antimondialistes. Dans l'espoir de contribuer positivement au
débat, donc de le faire progresser plutôt que d'y
mettre fin brutalement, vous vous permettez une intervention suite
à certains propos tenus par un militant. S'il est plutôt
bien vu de prôner la liberté d'expression chez les
tenants de l'antimondialisation, sachez que la réalité
est parfois déstabilisante. Ainsi, le simple fait de soulever
certaines idées telles que la possibilité de survie
des États-nations dans un contexte de mondialisation, le
fait que les investissements à l'étrangers des pays
de l'Ouest en % du PIB sont actuellement semblables à ceux
observés en 1913, etc., vous fait vite passer du camp "antimondialiste"
à celui des défenseurs de la mondialisation néolibérale.
En fait, c'est comme si la confrontation d'idées était
devenue inacceptable.
Bref, ce que j'ai voulu faire ici, c'est porter un regard sur
la résistance qui s'articule face à la mondialisation
et d'en témoigner la faiblesse qui peut y être observée
actuellement. Si une résistance signifiante semble souhaitée
par plusieurs et souhaitable pour l'équilibre des forces
démocratiques au sein de nos sociétés, ayons
le devoir, en tant que collectivité, d'offrir à
nos citoyens une information de qualité, juste et claire
qui permettra aux consciences de sortir des eaux parfois troubles
des étendues de vérités mensongères.
Et ceci passe manifestement par la diffusion d'une éducation
politique de base.
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