8 février 2001 |
Au Québec, les tourbières sont perçues
comme des endroits malsains où foisonnent des nuées
d'insectes piqueurs, ou encore comme des landes lugubres où
on risque de se perdre, d'errer sans fin, ou pire, de s'enliser
lentement, mais inexorablement. Bref, on n'aime pas beaucoup les
tourbières et on ne fait pas de gros efforts pour les protéger.
L'analyse spatiale et historique de l'état des tourbières
du Bas-Saint-Laurent, réalisée par Stéphanie
Pellerin, le confirme: entre 1930 et 2000, près de 60 %
de la superficie de 18 tourbières, situées dans
la plaine agricole qui s'étend de Rivière-du-Loup
à l'Isle-Verte, a subi les contrecoups des activités
humaines.
L'étudiante-chercheure du Centre de recherche en aménagement
et développement (CRAD) et son directeur Claude Lavoie,
du Département d'aménagement, ont reconstitué
l'histoire de ces tourbières à l'aide de photographies
aériennes et d'un système d'information géographique.
Leurs résultats, présentés le 2 février
lors du colloque étudiant du CRAD, révèlent
que 792 des 1 373 hectares de tourbières étudiées
ont été perturbés. Le principal vilain: le
prélèvement de tourbe destinée à l'horticulture,
à qui les chercheurs attribuent 60 % des pertes. Viennent
ensuite la coupe forestière avec 28 % et les activités
agricoles avec 8 %. Les trois quarts des pertes sont survenues
entre 1930 et 1970. Auparavant, comme elles offraient des conditions
peu propices à l'agriculture, ces tourbières avaient
échappé à l'envahisseur.
"Les perturbations n'ont pas toutes le même impact,
signale Stéphanie Pellerin. La coupe d'arbres en bordure
des tourbières ne perturbe pas de façon grave l'écosystème.
Par contre, le prélèvement de tourbe a des effets
à très long terme." Les chercheurs ignorent
encore si, après avoir été drainée
et exploitée, ce qui reste d'une tourbière peut
se régénérer naturellement en tourbière.
"L'évolution rapide de la dégradation des écosystèmes
tourbeux dans le Bas-Saint-Laurent met en relief l'urgence de
développer des mécanismes de conservation de ce
type d'écosystème", souligne l'étudiante-chercheure.
Présentement, aucune tourbière de cette région
n'est protégée (la réserve écologique
Irène-Fournier près de Matane est considérée
à l'extérieur de la zone d'étude) et la superficie
des tourbières non exploitées est trop petite pour
songer y installer un parc provincial ou fédéral.
"Il faudrait peut-être penser à une entente
qui impliquerait des représentants de MRC, des producteurs
de tourbe et des producteurs agricoles, suggère Stéphanie
Pellerin. Il n'y a rien en discussion pour le moment, mais dans
deux ou trois ans, lorsque les autres études menées
sur ce sujet par l'équipe de Claude Lavoie seront complétées,
on va avoir des arguments convaincants à présenter
en faveur de la conservation de ces tourbières."
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