8 février 2001 |
Québec sera l'hôte, en avril, du troisième
Sommet des Amériques. Selon le ministre du Commerce
international du Canada, Pierre Pettigrew, les discussions déborderont
le strict cadre de la future Zone de libre-échange des
Amériques. "Il y aura d'autres enjeux, dit-il, car
j'ai la conviction profonde que le développement économique
mène systématiquement au progrès des droits
de la personne et de la démocratie." Pour Nicole Lacasse,
titulaire de la chaire Stephen-Jarislowsky en gestion des affaires
internationales de l'Université Laval, discuter des aspects
sociaux et des valeurs communes lors du Sommet de Québec
sera d'autant plus nécessaire que les inégalités
s'accentuent entre les individus et les pays des trois Amériques.
Il y avait foule en ce 2 février à l'Agora du pavillon
Alphonse-Desjardins pour la troisième conférence
de la programmation 2000-2001 de la Chaire publique de l'AELIÉS
(Association des étudiantes et des étudiants de
Laval inscrits aux études supérieures). Le thème
de la rencontre était: "L'intégration des Amériques:
enjeux sociopolitiques et culturels."
Cuba absent
Le Sommet de Québec n'accueillera que les dirigeants
élus de manière démocratique, ce qui exclut
de facto un pays comme Cuba. Mais pour le conférencier
Dorval Brunelle, professeur au Département de sociologie
de l'Université du Québec à Montréal,
c'est aller un peu vite en affaires que de dire que tous les dirigeants
invités ont été élus démocratiquement,
alors qu'il s'agirait plutôt, dans certains cas, d'une façade.
"À quoi le gouvernement canadien va-t-il s'engager
pour améliorer la démocratie dans les Amériques
lorsqu'il sera assis à la même table, par exemple,
que le Mexique, où des dizaines de milliers de soldats
terrorisent la population du Chiapas?", a demandé
quelqu'un de l'auditoire sous un tonnerre d'applaudissements.
Selon le ministre, isoler de tels pays ne constitue pas une solution.
"Priver ces pays des profits de la technologie moderne et
des bienfaits du commerce international, soutient-il, c'est de
radicaliser encore davantage la situation des gens dans le besoin.
Je vous dis que la politique d'engagement constructif du Canada
fonctionne. Il y a des progrès."
Faciliter le commerce?
Dorval Brunelle indique pour sa part que la formule de libre-échange
n'est pas une mesure de facilitation du commerce. Il en veut pour
preuve l'accord de libre-échange signé en 1996 entre
le Canada et le Chili. Depuis ce temps, le Canada accuse un déficit
commercial avec son partenaire sud-américain. Cela dit,
les échanges avec ce pays ne représentent qu'un
dixième de un pour cent de l'ensemble des échanges
commerciaux canadiens.
Or, tout devient clair lorsqu'on regarde la question des investissements
canadiens au Chili en l'an 2000, lesquels se sont chiffrés
à 11 milliards de dollars, principalement dans le cuivre
et le bois. "On comprend, explique Dorval Brunelle, que ce
n'est pas le un dixième de un pour cent qui a amené
le Canada à négocier l'accord, mais essentiellement
les pressions des multinationales, entre autres celles du papier
qui ont découvert qu'elles pouvaient désormais exploiter
des arbres dans l'ouest des Andes."
Pierre Pettigrew rappelle qu'il y a deux siècles, au moment
de la révolution industrielle, les gouvernements avaient
promulgué des lois et accordé des droits afin de
rendre les nouvelles sociétés plus équitables.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les dirigeants européens
ont compris que le renforcement de l'interdépendance entre
les nations, sur les plans des ressources et de l'économie,
annulerait les risques de conflits. "Je crois, dit-il, que
notre pays, parmi d'autres, a un leadership à exercer
pour humaniser la mondialisation, tout comme la fonction politique
a humanisé la révolution industrielle."
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