18 janvier 2001 |
Les étudiants et étudiantes d'aujourd'hui possèdent
des référents culturels nombreux, en particulier
sur l'univers religieux, mais leurs connaissances sont éclatées.
Ces constats ressortent des échanges qui ont eu lieu dans
la matinée du 12 janvier au pavillon Alphonse-Desjardins,
lors d'un colloque réunissant plus de 80 professeurs d'archéologie,
d'archivistique, d'ethnologie, d'histoire, d'histoire de l'art
et de muséologie des niveaux collégial et universitaire
du Québec. Le thème de la rencontre était:
"Les sciences historiques au collège et à l'université
à l'aube du troisième millénaire."
Selon André Ségal, de l'Université Laval,
la mutation que vivent actuellement les sociétés
industrialisées d'Occident conduit à l'effacement
des grands héritages religieux, politiques et sociaux.
Dans ce contexte, il devient difficile de faire comprendre les
sociétés du passé à de jeunes étudiants,
en particulier la dimension religieuse qui influençait
de larges pans de la vie culturelle, économique et politique.
Le professeur souligne aussi que plus les changements sociaux
sont rapides, plus les risques de désorientation augmentent.
Ces risques apparaissent d'autant plus sérieux au Québec
que cette société a connu deux régimes "totalitaires"
en un demi-siècle, passant de "la loi de l'Église
à la loi du marché, du temps des prêtres au
temps des financiers". En outre, dit-il, les étudiants
d'aujourd'hui semblent manquer de culture politique et de volonté
civique. De plus, ils ont peu conscience des repères sociaux
qui ont façonné le monde moderne. "Un brin
d'éducation marxiste, lance-t-il, ne ferait pas plus de
tort qu'un brin d'éducation biblique."
"Un brin d'éducation marxiste ne ferait pas plus de tort qu'un brin d'éducation biblique." - André Ségal
Les "assiettes" de Masaccio
Son collègue Denis Grenier a débuté son
intervention par une référence au Tribut de saint
Pierre, une fresque du peintre italien Masaccio datant du
15e siècle. Un jour, un de ses étudiants a qualifié
d'"assiette" l'auréole qui surmonte la tête
du Christ et des apôtres. "Ma culture classique ne
semble plus être à l'heure du jour, dit-il. L'art
historique a-t-il fait son temps? J'avoue envier les professeurs
d'art contemporain et actuel dont les cours ne désemplissent
pas."
Pour sa part, Bogumil Koss, également de l'Université
Laval, croit que nos repères chrétiens sont toujours
profondément ancrés dans notre manière de
voir le monde. "Nous ne sommes pas sortis de l'univers
chrétien, soutient-il. Sauf que nous sommes de plus en
plus ignorants de la provenance de cet héritage."
Quant à Denise Angers, de l'Université de Montréal,
elle se dit toujours étonnée dans ses cours de voir
que les repères religieux ne sont pas aussi perdus que
l'on pense. "L'univers religieux fascine les étudiants,
souligne-t-elle. Il ne faut pas s'imaginer que c'est perdu pour
eux. Il y a encore quelque chose de présent."
Assoiffés et curieux
Selon Daniel Perreault, du Cégep Saint-Lawrence, les
jeunes d'aujourd'hui sont assoiffés de connaissances. "Ils
veulent connaître, dit-il. Ils ont un nombre incroyable
de référents culturels, sauf que c'est désordonné,
éclaté." "Ils ont des bases", affirme
pour sa part Pierre Ross, du Cégep de Limoilou. "Ils
ont aussi une curiosité que nous n'avions pas parce que
nous rejetions ces choses-là."
Marc Simard, du Cégep François-Xavier-Garneau, estime
qu'il faut définir de nouveaux référents
culturels, de nouvelles perspectives ainsi que de nouvelles méthodes
afin de mieux faire passer le message. Pour sa part, André
Ségal croit que les études culturelles doivent consolider,
voire reconstruire les repères déficients par des
programmes, mais aussi par la pédagogie. "Il ne s'agit
pas, explique-t-il, de ressusciter des formes de civilisation
en déclin, mais de savoir d'où l'on part lorsqu'on
prend le large. Une cathédrale, un parlement et une usine
sont les édifices que nous laissons derrière nous
et qui nous servent de repères à l'horizon."
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