18 janvier 2001 |
"On trouve de tout dans une pharmacie", clame une
publicité. Sauf des pharmaciens, serait-on tenté
d'ajouter, après avoir pris connaissance d'une recommandation
d'un comité ministériel qui propose d'augmenter
une nouvelle fois en deux ans le nombre d'admissions dans les
programmes de pharmacie. Cette recommandation du Groupe de travail
sur la planification de la main d'oeuvre en pharmacie vise à
contrer la pénurie de près de 400 pharmaciens qui
sévit présentement au Québec. Le rapport
de ce comité, dont le quotidien La Presse a dévoilé
les grandes lignes la semaine dernière, propose de hausser
de 40 le nombre d'étudiants admis en pharmacie au Québec.
L'année dernière, le ministre de l'Éducation
François Legault avait autorisé les deux seules
universités québécoises qui offrent le programme
de pharmacie à admettre 100 étudiants supplémentaires.
Depuis l'automne 2000, 305 étudiants sont admis annuellement
dans les facultés de pharmacie de l'Université Laval
(140 places) et à l'Université de Montréal
(165 places). Ce nombre devait suffire à répondre
à la demande du réseau de la santé, mais,
selon le Groupe de travail, il manque encore 300 pharmaciens dans
les pharmacies communautaires (les pharmacies de quartier) et
90 dans les hôpitaux et autres établissements de
santé. Cette pénurie engendrerait un taux de placement
de 100 % et une flambée des salaires qui auraient grimpé
de plus de 25% entre 1997 et 1999. Les pharmaciens-propriétaires
multiplient les pressions pour que plus de diplômés
en pharmacie arrivent sur le marché du travail, dit-on.
La pénurie de pharmaciens est due à plusieurs facteurs,
signale le doyen de la Faculté de pharmacie de l'Université,
Jacques Dumas. "Dans les hôpitaux, il y a eu plusieurs
départs à la retraite suite aux compressions de
1997. Dans les pharmacies communautaires, il y a plus de travail
parce que la population vieillit et que le nombre de pharmacies
augmente."
Le doyen Dumas, qui a participé à quelques réunions
et conférences téléphoniques du Groupe de
travail, estime qu'il sera difficile, dans le contexte actuel,
d'augmenter une nouvelle fois le nombre d'étudiants. "Nous
venons d'augmenter les admissions de 30. S'il fallait accueillir
beaucoup de nouveaux étudiants dès l'an prochain,
la capacité d'accueil pourrait faire défaut. Le
facteur limitant est le nombre de places de stage pour nos étudiants
de quatrième année. Nous sommes en négociations
avec des hôpitaux de la Rive-Sud et avec le CHUQ pour qu'ils
accueillent davantage de stagiaires. Il nous faudrait également
plus de professeurs et plus de maîtres de stage, de façon
à offrir un encadrement de qualité à tous
les étudiants."
Industries en manque
La pénurie de pharmaciens touche aussi l'industrie
pharmaceutique québécoise, qui ne parvient pas à
trouver ici tous les chercheurs dont elle a besoin. En plus, les
conditions salariales alléchantes qu'elle propose constitue
un autre facteur important dans la pénurie de pharmaciens
qui frappe les hôpitaux et les officines. "Depuis 1996,
cinq de nos professeurs ont quitté l'Université
pour accepter des postes dans l'entreprise privée",
signale d'ailleurs Jacques Dumas. Le doyen voit d'un bon oeil
le développement de l'industrie pharmaceutique québécoise,
mais il reconnaît que cela ajoute "une contrainte supplémentaire
au défi stimulant d'ajuster le nombre d'étudiants
admis en pharmacie aux besoins de la société. On
peut cependant y arriver, soutient-il. Il suffit simplement qu'on
nous donne les moyens financiers adéquats et au moins deux
nouveaux professeurs."
Si le nombre d'admissions en pharmacie devait à nouveau
augmenter, le doyen ne prévoit aucune difficulté
à recruter des étudiants. L'année dernière,
la Faculté a reçu 850 demandes pour les 140 places
disponibles. Il y a pénurie en pharmacie, mais elle n'est
définitivement pas du côté de ceux qui veulent
épouser la profession.
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